Une voix inécoutée : L’histoire de Brandon

Une voix inécoutée : L’histoire de Brandon

décembre 19, 2022

19 décembre 2022

Enquête sur la réponse de la Société d’aide à l’enfance de Toronto aux problèmes de protection de l’enfance concernant « Brandon » du 31 décembre 2015 au 26 octobre 2018

Enquête sur la réponse de la Société d’aide à l’enfance de Toronto aux problèmes de protection de l’enfance concernant « Brandon » du 31 décembre 2015 au 26 octobre 2018

« Une voix inécoutée : L’histoire de Brandon »

Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario

Décembre 2022

 

Bureau de l'Ombudsman de l'Ontario

Nous sommes

Un bureau indépendant de l'Assemblée législative qui examine et règle les plaintes du public à propos des services fournis par les organismes du secteur public de l'Ontario. Ces organismes comprennent les ministères, les agences, les conseils, les commissions, les sociétés et les tribunaux du gouvernement provincial, ainsi que les municipalitiés, les universités, les conseils scolaires, les services de la protection de l'enfance et les services en français. L'Ombudsman recommande des solutions aux problèmes administratifs individuels et systémiques.
 

Reconnaissance des territoires et engagement envers la réconciliation

Le travail de l'Ombudsman de l'Ontario s'effectue sur les territoires autochtones traditionnels de la province que nous appelons maintenant l’Ontario, et nous sommes reconnaissant(e)s de pouvoir travailler et vivre sur ces territoires. Nous tenons à souligner que Toronto, où est situé le Bureau de l'Ombudsman de l'Ontario, est le territoire traditionnel de nombreuses Nations, dont les Mississaugas de Credit, les Anishnabeg, les Chippewa, les Haudenosaunee et les Wendats, et abrite maintenant de nombreux peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Nous croyons qu'il est important d'offrir une reconnaissance des territoires comme moyen d’attester, de respecter et d'honorer ce territoire, les traités, les premier(ière)s occupant(e)s, leurs ancêtres et le lien historique qu'ils(elles) conservent avec ce territoire.

Dans le cadre de notre engagement envers la réconciliation, nous offrons des occasions de formation pour aider notre personnel à mieux s’informer de notre histoire commune et des préjudices infligés aux peuples autochtones. Nous travaillons à établir des relations mutuellement respectueuses avec les peuples autochtones de la province, et nous continuerons à intégrer les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation dans notre travail. Nous sommes reconnaissant(e)s de la possibilité qui nous est donnée de travailler dans l’Île de la Tortue.

 

Contributeur(trice)s

Directrice, Unité des enfants et des jeunes

  • Diana Cooke

Gestionnaire des enquêtes, Unité des enfants et des jeunes

  • Savas Kyriacou
Enquêteuse
  • Jessica Siracusa

Agente de règlement préventif

  • Ashley Moses

Avocate générale

  • Laura Pettigrew

Table des matières

 

Sommaire analytique

1    Le lundi 22 octobre 2018, « Brandon»[1], âgé de 10 ans, était couché sur un futon souillé d’urine, à même le sol d’un salon sale et infecté de vermine dans l’appartement qu’il partageait avec son grand-oncle, « Frank ». Il n’était pas allé à l’école, car il souffrait trop d’une impaction fécale et d’une infection rénale non diagnostiquée et non traitée.

2    La Société d’aide à l’enfance de Toronto (la SAE) était intervenue auprès de la famille de Brandon tout au long de sa vie, et des ordonnances judiciaires de surveillance le confiant à la garde de son grand-oncle étaient en place depuis un an et demi. À la mi-octobre 2018, un juge s’est dit préoccupé par les derniers renseignements obtenus sur l’état de santé de Brandon, sur sa fréquentation scolaire et sur la propreté du domicile familial. Brandon souffrait de problèmes urinaires chroniques et de troubles de santé mentale, et sa famille n’avait pas fait le nécessaire pour lui procurer les soins requis. Il avait été en retard 34 fois depuis le début de l’année scolaire, et il avait déjà manqué 9,5 jours. L’appartement de la famille était infecté de punaises de lit. Il était encombré et sale, et Frank et Brandon dormaient tous les deux ensemble sur un futon à même le sol. Frank, qui est légalement aveugle, avait bien du mal à garder l’appartement propre.

3    Ce lundi-là, Frank ne s’était pas présenté pour une réunion prévue à l’école avec la directrice de l’école de Brandon et une travailleuse sociale de la SAE. Lorsqu’elles l’ont appelé au téléphone, Frank a dit que Brandon avait des maux d’estomac. Il a paru affolé et il a raccroché. Elles ont alors décidé de se rendre au domicile de la famille. Quand elles sont arrivées à l’appartement, elles ont senti une forte odeur. Des excréments, de la litière malpropre pour chats, et des couches-culottes imbibées d’urine jonchaient le sol. Brandon était recroquevillé sur un futon taché, dans la pièce principale, et il était dans un état que la directrice a qualifié par la suite de « catatonique ». Les services d’urgence ont été appelés et deux ambulancier(ière)s et deux policières sont arrivés.

4    Les policières ont été horrifiées par les conditions de vie de Brandon, notamment par la puanteur de cigarettes et de litière pour chats, par la saleté des sols et des murs, par le futon sans draps maculé d’urine sur lequel Brandon était enveloppé dans une couverture crasseuse, et par les cafards vivants et morts partout sur le sol.

   Après avoir eu des difficultés à calmer et à contrôler Brandon, les ambulancier(ière)s l’ont emmené en ambulance à l’hôpital.

6    D’après ses observations, la travailleuse sociale de la SAE a estimé que Brandon était en danger immédiat. Elle a appelé un superviseur pour lui demander la permission d’appréhender Brandon. Le superviseur a rejeté cette demande, indiquant que la SAE travaillait en collaboration avec la famille, que Brandon avait déjà fait l’objet d’une ordonnance judiciaire de surveillance, et qu’on craignait de l’appréhender prématurément, avant que le tribunal ne se prononce.

7    Les policières ont présumé que la SAE allait retirer Brandon du domicile familial pour sa propre sécurité. Après avoir appris que la SAE n’avait nulle intention de le faire, le Service de police de Toronto a officiellement appréhendé Brandon, qui a été placé dans un foyer d’accueil.

8    L’hôpital a constaté que Brandon souffrait de malnutrition et qu’il était presque anémique, avec un faible nombre de globules rouges et un faible taux d’hémoglobine. Il pesait 15 livres de moins qu’un enfant de son âge et de sa taille, avait un rein hypertrophié et souffrait d’une infection rénale. L’un(e) des médecins de Brandon a conclu que l’intervention avait sauvé la vie de l’enfant.

9    La SAE a tout d’abord maintenu que Brandon devrait être rendu à sa famille. La police a informé l’Intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes (l’Intervenant en faveur des enfants) de la situation. Le bureau de l’Intervenant en faveur des enfants – qui était alors chargé d’enquêter sur de telles plaintes – a ouvert une enquête sur la prestation des services par la Société d’aide à l’enfance de Toronto et sur sa réponse aux préoccupations de protection de l’enfance soulevées au sujet de Brandon, du 30 décembre 2015 au 26 octobre 2018. Après la fermeture du bureau de l’Intervenant en faveur des enfants, et le transfert de son pouvoir d’enquête à mon Bureau en mai 2019, nous avons poursuivi l’enquête en vertu de la Loi sur l’ombudsman[2].

10    Brandon avait de longs antécédents d’infections urinaires, de mictions douloureuses, de constipation, de troubles de santé mentale et d’absences scolaires répétées, qui n’avaient pas été traités efficacement par sa famille. Depuis qu’il a été pris en charge par la SAE, et qu’il est resté confié à sa garde, sa santé et son assiduité scolaire se sont considérablement améliorées. Le 18 novembre 2020, une ordonnance judiciaire l’a placé sous la garde prolongée de la SAE. Sa mère et son grand-oncle ont continué de bénéficier d’un droit de visite.

11    Notre enquête a révélé de nombreuses lacunes dans la prestation des services de la SAE et dans sa réponse aux problèmes de protection de l’enfance de Brandon. À de nombreuses reprises, la SAE n’a pas respecté les Normes de la protection de l’enfance en Ontario. Elle a parfois ignoré les exigences réglementaires concernant l’échéancier des évaluations de sécurité. Les rapports de professionnel(le)s et d’autres personnes qui s’inquiétaient du bien-être de Brandon n’avaient pas toujours été examinés attentivement, et plusieurs enquêtes avaient été retardées – dont l’une deux fois plus longtemps que prévu par les normes.

12    La SAE n’a pas veillé à ce que des plans de services significatifs soient préparés, examinés et revus en temps opportun, ce qui a compromis sa capacité à vérifier si les besoins de Brandon étaient satisfaits. De plus, les rencontres avec la famille ont souvent été retardées, contrairement aux exigences des normes, si bien que les circonstances dans lesquelles Brandon vivait ont échappé à la surveillance durant de longues périodes. L’une des visites a été retardée de près d’un mois, et par la suite la SAE a négligé de faire des visites pendant plus de six mois.

13    La SAE devait s’assurer que Brandon serait interviewé en privé, à la fois durant ses enquêtes et au moins une fois par mois alors qu’il recevait des services continus. Mais les travailleur(euse)s de la SAE qui se sont succédé au fil de plusieurs années ont régulièrement omis de le rencontrer en privé, de sorte que sa voix est restée inécoutée et ignorée.

14    Les superviseur(e)s de la SAE ont régulièrement approuvé des dérogations par rapport aux normes provinciales pour des raisons de commodité, plutôt que dans l’intérêt véritable de Brandon. Les examens de supervision ont été retardés parfois, si bien que les superviseur(e)s ont eu une compréhension limitée de l’évolution de la situation familiale. Et pourtant, les gestionnaires de la SAE ont accordé peu de crédit aux récits des témoins qui avaient vu de leurs yeux les terribles conditions de vie de Brandon le 22 octobre 2018.

15    L’histoire de Brandon n’est pas un cas de négligence délibérée de la part des aidant(e)s, mais d’incapacité des membres de sa famille à répondre à ses besoins compte tenu de leurs grandes difficultés. La situation de Brandon s’est dégradée au fil du temps, jusqu’à la crise. Malheureusement, durant cette période, l’attention de la SAE a été distraite par les assurances données par la famille de Brandon. Elle a perdu de vue sa responsabilité d’agir dans l’intérêt véritable de l’enfant, le laissant souffrir en silence dans une négligence chronique.

16    D’après les preuves recueillies lors de notre enquête, j’ai conclu que les services fournis par la SAE et sa réponse aux renseignements reçus sur les préoccupations de protection de l’enfance concernant Brandon étaient contraires à la loi, déraisonnables, et erronés en vertu des alinéas 21 (1) a), b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.

17    J’ai fait 18 recommandations visant à améliorer le respect des exigences réglementaires et des Normes de la protection de l’enfance en Ontario par la SAE, et à améliorer ses services de protection de l’enfance. La SAE a accepté toutes mes recommandations et s’est engagée à les mettre toutes en œuvre, et je surveillerai les efforts qu’elle déploie pour remédier aux lacunes et aux échecs décrits dans ce rapport.

18    Les voix des enfants sont trop souvent réduites au silence en présence des adultes qui les entourent. Il est de la responsabilité des sociétés d’aide à l’enfance de s’assurer que les enfants sont entendu(e)s, afin de s’acquitter correctement de leur rôle de protection. L’histoire a montré que lorsqu’elles ne le font pas, les conséquences peuvent être dévastatrices. Le cas de Brandon nous rappelle que les sociétés d’aide à l’enfance doivent rester vigilantes et veiller au respect des exigences réglementaires et des normes prescrites, qui préconisent la cohérence et la rigueur dans la prestation des services et les orientent vers l’intérêt véritable des enfants.

 

Processus d’enquête

19    Le 26 octobre 2018, le Service de police de Toronto a contacté l’Intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes (l’Intervenant en faveur des enfants) pour signaler les circonstances troublantes de l’appréhension de Brandon. D’après les renseignements communiqués par la police, l’Intervenant provincial en faveur des enfants a déterminé qu’une enquête était justifiée.

20    L’Intervenant en faveur des enfants a informé la Société d’aide à l’enfance de Toronto de son intention d’enquêter, le 31 octobre 2018, pour la période du 30 décembre 2015 au 26 octobre 2018.

21    À compter du 1er mai 2019, à la suite de la Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité (Projet de loi 57), le bureau de l’Intervenant en faveur des enfants a été éliminé et ses responsabilités en matière d’enquête ont été transférées à l’Ombudsman de l’Ontario. Cette enquête – de même que d’autres ouvertes par l’Intervenant, qui étaient en cours alors – s’est poursuivie sous ma direction.

22    Cette enquête a été entreprise par l’Unité des enquêtes de l’Intervenant en faveur des enfants, dont les fonctions font désormais partie du travail de l'Unité des enfants et des jeunes, au sein du Bureau de l’Ombudsman. Depuis, un certain nombre de facteurs ont influé sur le calendrier de l’enquête, dont le transfert des responsabilités d’enquête et du personnel de l'Intervenant à mon Bureau, et la transition au télétravail - par notre personnel et par bon nombre des personnes que nous avons contactées durant l’enquête - en raison de la pandémie de COVID-19.

23    L’équipe a effectué 21 entrevues, notamment avec les policières de la Police de Toronto et les ambulancier(ière)s qui s’étaient rendu(e)s au domicile de Brandon, des travailleur(euse)s de première ligne et des superviseur(e)s de la Société d’aide à l’enfance de Toronto, ainsi qu’avec la directrice et le directeur adjoint de l’école de Brandon, la pédiatre de Brandon, et une travailleuse de la santé publique de Toronto qui connaît bien le cas, de même qu’avec les parents d’accueil à qui Brandon a été confié.

24    Notre équipe d’enquête a également examiné de nombreux documents provenant de divers organismes liés à cette affaire, dont la Société d’aide à l’enfance de Toronto, le Service de police de Toronto, les Services paramédicaux de Toronto, le Bureau de santé publique de Toronto, et la pédiatre de Brandon.

25    La SAE a pleinement collaboré à notre enquête.

 

Loi et politique

26    La conduite de la Société d’aide à l’enfance de Toronto dans cette affaire s’est déroulée durant une période de transition législative. La Loi sur les services à l’enfance et à la famille s’est appliquée jusqu’au 30 avril 2018, quand une nouvelle Loi, la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille est entrée en vigueur.

27    L’objectif primordial de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille était de promouvoir l’intérêt véritable de l’enfant, sa protection et son bien-être (par. 1 (1)). L’objectif de la nouvelle Loi reste inchangé (par. 1 (1)). Cependant, un préambule à la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille comporte maintenant plusieurs engagements pris par le gouvernement, stipulant notamment que les services fournis aux enfants et aux familles doivent être « axés sur les enfants ».

28    Aux fins de ce rapport, l'information résumée reflète les dispositions de la Loi de 2017 sur les services à l'enfance, à la jeunesse et à la famille. Il n'y a pas de différence substantielle entre les deux textes de loi en ce qui concerne les problèmes identifiés dans cette enquête.

 

Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille

29    Selon la Loi, la fonction d’une société d’aide à l’enfance est, entre autres, la suivante :

  • enquêter sur les allégations ou les preuves selon lesquelles des enfants peuvent avoir besoin de protection;

  • protéger les enfants en cas de besoin;

  • offrir aux familles des services, notamment d’orientation ou de counseling, pour protéger les enfants ou pour prévenir les situations nécessitant la protection d’enfants;

  • fournir des soins aux enfants qui lui sont confiés à cette fin sous le régime de la Loi;

  • exercer une surveillance sur les enfants qui lui sont confiés à cette fin sous le régime de la Loi;

  • placer des enfants en vue de leur adoption sous le régime de la partie VIII (Adoption et délivrance de permis relatifs à l’adoption);

  • exercer les autres fonctions que lui attribuent la Loi ou les règlements ou toute autre loi.  


 

Règlements et Normes de la protection de l’enfance en Ontario

30    Les règlements pris en application de la Loi énoncent des exigences supplémentaires pour les sociétés d’aide à l’enfance[3]. De plus, la province a publié les Normes de la protection de l’enfance en Ontario[4] afin de promouvoir la prestation constante de services de grande qualité aux enfants, aux jeunes et aux familles qui reçoivent des services de protection de l’enfance. Ces normes créent un cadre obligatoire de prestation des services et définissent des attentes en matière de rendement pour les travailleur(euse)s et les superviseur(e)s de la protection de l’enfance ainsi que pour les sociétés d’aide à l’enfance.

31    Les normes reconnaissent qu’une certaine souplesse s’avère nécessaire pour répondre aux besoins uniques et complexes des enfants, et permettent donc des « dérogations » dans certaines circonstances. Cependant, l’objectif premier des services de protection de l’enfance est toujours la sécurité et le bien-être de l’enfant. Les dérogations aux normes sont également acceptables pour des raisons indépendantes du contrôle du(de la) travailleur(euse) (p. ex., l’enfant et la famille ne sont pas disponibles pour des entrevues), à condition d’être examinées et approuvées par un(e) superviseur(e). Les dérogations doivent être documentées dans des notes contemporaines de cas par le(la) travailleur(euse) ou le(la) superviseur(e)[5].

32    Les huit normes couvrent chaque phase de la prestation des services, de la réception d’un dossier jusqu’à sa fermeture quand l’enfant n’a plus besoin de protection ou n’est plus admissible aux services.

33    Chaque norme comprend des « conseils pratiques » qui présentent des pratiques exemplaires et des facteurs à prendre en considération lors de la prise de décisions cliniques, ou au cas par cas. Cependant, contrairement aux normes, les conseils ne sont pas destinés à mesurer le rendement des sociétés d’aide à l’enfance.

34    Plusieurs des exigences prescrites par les normes provinciales s’appliquent au cas de Brandon, et il est utile d’en discuter en détail.

35    En vertu de la Norme 1, lorsqu’une société d’aide à l’enfance reçoit des renseignements indiquant qu’un(e) enfant pourrait avoir besoin de protection (un « signalement »), elle doit déterminer un délai d’exécution en fonction des circonstances[6]. Les options vont de 12 heures – s’il existe une menace imminente pour la sécurité de l’enfant, ou si des preuves matérielles risquent d’être perdues en raison d’un retard – à sept jours pour les enquêtes familiales où aucune menace immédiate n’est identifiée.

36    La Norme 2 définit les attentes en matière de planification et de conduite d’une enquête sur la protection de l’enfant et stipule entre autres que toutes les enquêtes exigent un contact en personne avec l’enfant ainsi que des entrevues individuelles avec les membres de la famille[7]. Les conseils pratiques de la norme indiquent aussi que les entrevues avec les membres de la famille devraient se tenir en privé.

37    En vertu des règlements d’application de la Loi, une évaluation de sécurité doit avoir lieu au premier contact avec l’enfant et la famille[8]. La Norme 3 exige que l’évaluation se fasse dans le délai d’exécution déterminé par la SAE, p. ex., sept jours[9]. Elle prévoit aussi qu’un plan de sécurité doit être préparé en cas de menace.

38    Les règlements exigent une évaluation des risques avant la fin d’une enquête[10]. La Norme 4 fournit des conseils pour mener ces évaluations[11], menant à une note des risques sur une échelle de « faibles » à « très élevés ».

39    À la conclusion d’une enquête sur la protection de l’enfance, la société d’aide à l’enfance doit déterminer si les préoccupations en matière de protection sont « vérifiées », « non vérifiées », ou « peu concluantes » conformément à la Norme 5[12]. Les enquêtes doivent être terminées dans les 45 jours, à moins qu’un(e) superviseur(e) n’approuve et ne documente les raisons d’une prolongation, qui peut aller jusqu’à 60 jours.

40    La Norme 6 décrit les étapes à suivre quand une SAE transfère un dossier entre des travailleur(euse)s, et précise notamment que le(la) travailleur(euse) qui transfère le dossier et celui(celle) qui le reçoit doivent rendre visite à la famille dans les 10 jours suivant la présentation des documents de transfert au(à la) superviseur(e)[13]. Le transfert se termine le jour de la visite.

41    La Norme 7 établit les attentes de services continus quand une enquête détermine qu’un(e) enfant a besoin de protection[14]. Elle exige une évaluation des points forts et des besoins de la famille et de l’enfant, ainsi que l’élaboration d’un plan de services dans les 30 jours suivant la fin de l’enquête. Le plan de services est destiné à réduire le risque de préjudice futur et doit contenir au minimum des buts, des objectifs et des activités spécifiques, incluant les personnes responsables et les délais d’exécution, ainsi que le niveau spécifique de contact entre le(la) travailleur(euse) et l’enfant.

42    La Norme 7 exige qu’une famille qui bénéficie des services continus reçoive la visite d’un(e) travailleur(euse) au moins une fois par mois. Le(la) travailleur(euse) doit rencontrer l’enfant en privé, au domicile de l’enfant ou dans un autre lieu. Les visites peuvent être inopinées dans certaines circonstances, par exemple si le(la) travailleur(euse) ne parvient pas à contacter la famille pour organiser une visite, ou s’il faut évaluer les conditions de vie sans que la famille ait l’occasion de les modifier.

43    La Norme 7 donne également des directives pour les situations où une SAE reçoit un signalement concernant un(e) enfant qui bénéficie de services continus. Si le signalement concerne une situation ou un incident connu, aucune enquête n’est nécessaire; si la préoccupation est « nouvelle », la SAE doit suivre les étapes décrites à la Norme 1 pour déterminer la disposition appropriée.

44    Les règlements exigent que les évaluations des risques aient lieu tous les six mois[15]. La Norme 7 décrit également les examens à effectuer pendant la prestation des services continus. Des examens informels de surveillance doivent être effectués au moins toutes les six semaines; un examen et une évaluation formels du cas doivent être effectués tous les six mois; le plan de services ainsi que les points forts et les besoins de la famille et de l’enfant doivent être réévalués tous les six mois. (La Norme 8 concerne la fermeture des dossiers et n’est pas particulièrement applicable à ce cas.)

 

Politiques de la Société d’aide à l’enfance de Toronto

45    Les politiques de la Société d’aide à l’enfance de Toronto complètent ou approfondissent les Normes de la protection de l’enfance en Ontario. Durant la période couverte par notre enquête, la politique de la SAE concernant ses enquêtes sur la protection de l’enfance exigeait qu’elles s’achèvent dans les 30 jours, plutôt que dans le délai de 45 jours prévu par la Norme provinciale 5. Mais à compter du 22 juin 2020, cette politique a été modifiée et s’aligne sur la norme provinciale de 45 jours.

46    Cependant, la politique en vigueur durant cette époque critique de l’intervention de la SAE auprès de Brandon exigeait que les enquêtes soient terminées et documentées dans les 30 jours. Comme pour les normes provinciales, des prolongations pouvaient être accordées si la qualité et la rigueur de l’enquête risquaient d’être compromises par l’échéancier, et uniquement dans des « circonstances exceptionnelles ». Toute raison justifiant un retard devait également être documentée.

 

L’histoire de Brandon : la chronologie

47    Brandon est né à Toronto en avril 2008. Sa mère, « Cindy », a vécu une enfance difficile. Elle a été victime de négligence et de sévices, et a été confiée un certain temps à la SAE. Elle vit avec des troubles cognitifs et développementaux. L’intervention de la SAE auprès de Brandon a commencé avant sa naissance, alors que Cindy recevait des services volontairement durant sa grossesse.

 

De la naissance à 7 ans – 2008 à 2015

Première ordonnance de surveillance

48    Peu après la naissance de Brandon, la SAE s’est inquiétée de la capacité de Cindy à s’occuper de lui, surtout après qu’elle l’a laissé tomber accidentellement à deux reprises. En juillet 2008, la SAE a déposé une requête en protection de l’enfance et en août, un tribunal a rendu la première d’une série d’ordonnances de surveillance temporaire. Brandon a été confié à la garde de sa grand-mère paternelle, qui vivait à Brampton. Les conditions de l’ordonnance précisaient que le droit de visite par sa mère devait se faire sous supervision.

49    Au début de 2009, la SAE a réexaminé le cas et a autorisé l’oncle maternel de Cindy, Frank, avec qui celle-ci vivait parfois, à superviser les visites de fin de semaine à Brandon.

50    Au printemps de 2009, dans le cadre d’une procédure engagée par la SAE, une évaluation de la capacité parentale de Cindy, ordonnée par le tribunal, a conclu que sans un soutien à plein temps à domicile, confier Brandon à Cindy les exposerait tous deux à l’échec. En septembre de cette même année, lors de deux visites inopinées faites par une travailleuse de la SAE, il est ressorti que Frank avait laissé Brandon à Cindy, sans surveillance. De plus, la SAE a reçu des rapports indiquant que Cindy consommait de l’alcool.

51    La SAE a continué à surveiller les conditions de vie de Brandon en 2010, tant chez sa grand-mère à Brampton que lors des visites supervisées chez sa mère à Toronto.  

52    En novembre 2010, un centre de santé mentale pour les enfants et les jeunes a évalué Frank en tant qu’aidant (par opposition à superviseur) et les résultats ont été positifs. Cependant, la SAE n’a pas approuvé le domicile de Frank en tant que « foyer de service d’un proche » compte tenu de sa capacité générale à s’occuper d’un enfant, et notamment de ses antécédents de problèmes avec la consommation d’alcool.

 

Deuxième ordonnance de surveillance

53    En avril 2011, une nouvelle ordonnance de surveillance temporaire a déterminé que Brandon serait confié à sa grand-mère pendant les fins de semaine, et à Frank durant les jours de la semaine. À l’époque, Cindy vivait tout près de chez Frank.

54    En août 2011, la police a signalé à la SAE que Cindy, Frank et Brandon habitaient l’appartement de Cindy pendant que celui de Frank était traité contre les punaises de lit. La police a qualifié le domicile de Cindy de « malpropre », jonché de mégots de cigarettes, elle y a vu une pipe à eau, et a déclaré que Brandon dormait dans un parc pour enfant, inapproprié pour son âge. La SAE a programmé une visite pour enquêter sur la situation, et a continué à travailler avec la famille.

55    À la fin de septembre 2011, un tribunal a rendu une ordonnance de garde confiant Brandon à la garde de sa grand-mère et de son grand-oncle Frank, le droit de visite de la mère de Brandon étant laissé à la discrétion de Frank. L’ordonnance de surveillance a pris fin alors, et la SAE a fermé son dossier.

 

Première enquête de la SAE – 2014

56    Après presque trois ans sans intervention connue auprès de la famille, la SAE a reçu une série de signalements provenant d’enseignant(e)s de Brandon, en 2014, soit un en mai, quatre en octobre et deux en novembre. Les enseignant(e)s ont signalé leurs inquiétudes concernant l’hygiène et l’agressivité de Brandon, ainsi que la consommation d’alcool de Frank et ses confrontations verbales avec le personnel scolaire. En novembre, dans un appel anonyme, un homme a également fait part d’inquiétudes concernant la saleté du domicile de Frank, et le comportement de Cindy envers Brandon souvent laissé seul à sa garde. La SAE a ouvert une enquête en octobre. Elle l’a fermée en décembre, car Frank a dit qu’il ne voulait pas que la SAE intervienne dans sa vie.

57    En fermant son dossier, la SAE a noté que le personnel scolaire n’était pas au courant de la déficience visuelle de Frank et avait attribué « l’apparence de ses yeux » à une intoxication. La SAE a noté aussi que Frank faisait de son mieux mais qu’il serait probablement signalé de nouveau à son attention à cause de sa personnalité et de son apparence, et des problèmes de comportement et d’hygiène de Brandon. Dans une note au ton quelque peu prophétique, un(e) membre du personnel de la SAE a écrit que l’intervention de la SAE « pourrait ne jamais aboutir à des changements pour cette famille ».

 

Deuxième enquête de la SAE – 2015

58    En mars 2015, la SAE a reçu un signalement de la pédiatre de Brandon, qui s’inquiétait car Cindy avait révélé qu’elle avait frappé Brandon, et car l’enfant sentait l’urine. La travailleuse sociale n’a pas interviewé Brandon en privé, mais elle était présente quand l’importance des soins d’hygiène et des lois sur la fessée a été discutée Cindy.

59    En mai et octobre 2015, des responsables de l’école de Brandon ont contacté la SAE pour lui signaler leurs inquiétudes concernant le comportement inapproprié et violent de Brandon, ainsi que ses problèmes d’hygiène. Les responsables ont souligné que l’enfant sentait la fumée de cigarette, semblait sale, et portait souvent les mêmes vêtements pendant des jours. La travailleuse sociale a essayé à deux reprises de voir Brandon à l’école, mais l’enfant était absent les deux fois. Elle a discuté de la situation avec Frank, qui a expliqué qu’il travaillait avec la pédiatre de Brandon et faisait de son mieux. Frank a exprimé sa frustration à l’égard de l’école et il a promis d’essayer de faire prendre des bains à Brandon régulièrement. La SAE a clos son enquête à la fin d’octobre 2015, vérifiant les allégations de la pédiatre et de l’école, mais notant que l’école avait mis la famille en contact avec diverses ressources de soutien, dont des programmes de santé mentale et un programme Grands frères et Grandes sœurs.

 

Période couverte par cette enquête : 30 décembre 2015 – 26 octobre 2018

60    La Société d’aide à l’enfance de Toronto a travaillé de plus en plus près au cas de la famille de Brandon durant les deux années qui ont précédé la période couverte par notre enquête. Elle a reçu plus d’une douzaine de rapports à propos de la famille, a ouvert et fermé deux enquêtes, au cours desquelles plusieurs préoccupations à l’égard de Brandon ont été vérifiées. Il est utile de se pencher sur cet historique pour évaluer la pertinence de la conduite de la SAE à partir du 30 décembre.

61    La nuit du 30 décembre 2015, la police a répondu à un signalement indiquant que des gens criaient dans l’appartement de Cindy. Quand la police est arrivée, elle s’est inquiétée de l’état de Brandon, et des conditions de vie chez sa mère, où l’enfant semblait avoir séjourné durant les fêtes. Cindy a dit à la police qu’elle n’avait pas pris ses médicaments pour pouvoir boire de l’alcool.

62    La police a contacté la SAE et a exprimé sa conviction que l’appartement de Cindy n’était pas un endroit convenable pour un enfant. La SAE lui a fourni les coordonnées de Frank, et Brandon a été emmené chez son grand-oncle. La police a constaté que Frank avait bu, mais semblait aller bien. Elle a suggéré que la SAE s’implique auprès de la famille.

63    La SAE a ouvert alors sa troisième enquête de protection et a fixé le délai d’exécution à sept jours.

 

Troisième enquête de la SAE – Janvier 2016

64    Le 4 janvier 2016, la SAE a confié le dossier d’enquête à une travailleuse sociale qui n’avait jamais eu affaire à la famille auparavant. Le 7 janvier, la travailleuse sociale a fait plusieurs tentatives infructueuses pour joindre Frank. Elle n’a pas réussi non plus à contacter Cindy. Le même jour, le directeur adjoint de l’école de Brandon a contacté la SAE et il a dit à la travailleuse sociale que Frank avait eu une crise cardiaque et qu’il était à l’hôpital. Il a dit que Brandon demeurait avec Cindy, et il a déclaré qu’elle s’impliquait dans la vie de Brandon d’une manière positive.

65    La pédiatre de Brandon a également contacté la SAE le 7 janvier et a dit à la travailleuse sociale que la famille suivait une thérapie au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), et que Brandon souffrait d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), ainsi que de possibles problèmes d’attachement et d’anxiété. La pédiatre s’est également inquiétée de la présence de punaises de lit dans le domicile ainsi que des problèmes urinaires de Brandon.

66    Au cours des jours suivants, la travailleuse sociale a confirmé que Brandon était retourné à l’école, et elle a joint Frank qui a maintenu qu’il n’avait pas besoin de soutien pour s’occuper de lui-même ou de Brandon. Cependant, elle et lui ont convenu de se rencontrer.

67    Le 14 janvier, la travailleuse sociale s’est rendue à l’appartement de Frank. Cindy et Brandon y étaient présents. La travailleuse sociale a constaté que le domicile était rangé, mais sale, et que Brandon mangeait et semblait propre. Frank a expliqué que Brandon demeurait encore chez sa grand-mère paternelle en fin de semaine. À la demande de Frank, la travailleuse sociale a discuté de l’incident du 30 décembre avec la famille en tant que groupe. Cindy a dit qu’elle s’était disputée avec Brandon parce qu’il jouait à des jeux vidéo. La travailleuse sociale a interagi avec Brandon tout au long de la visite, mais ne l’a pas interviewé en privé. Quand nos enquêteur(euse)s l’ont interrogée à ce sujet, la travailleuse sociale a dit qu’à sa connaissance chaque membre de la famille devait être interrogé(e) en privé en cas d’allégation de sévices directs infligés à un(e) enfant. Cependant, elle avait considéré que cette situation concernait toute la famille dans son ensemble et avait estimé qu’il n’y avait aucune raison d’insister pour une rencontre en privé.

68    La visite chez la famille a eu lieu deux semaines après le premier appel de la police. La travailleuse sociale nous a dit que, bien que le personnel de la SAE soit censé faire des efforts pour voir la famille dans les sept jours, elle avait dû équilibrer cette exigence et les impératifs de son propre calendrier. Elle a dit qu’elle n’avait pas pu confirmer tout d’abord où vivait Brandon, et c’est pourquoi elle avait contacté d’autres personnes, dont la pédiatre et le directeur adjoint de l’école.

69    Le 16 janvier, la travailleuse sociale a achevé une évaluation de sécurité déterminant que Brandon était en sécurité, ainsi qu’une évaluation des risques, indiquant un risque élevé (mais elle a noté à tort que Frank n’avait pas d’antécédents de consommation d’alcool).

70    Une note de la SAE datée du 28 janvier indiquait que Frank était aveugle et que son domicile n’était « pas à 100 % », mais qu’il se débrouillait bien avec sa famille.

71    La travailleuse sociale a rencontré son superviseur le 28 janvier. Ensemble ils ont déterminé que les préoccupations soulevées dans le rapport de la police étaient vérifiées, mais que le dossier pouvait être clos. La travailleuse sociale a dit à nos enquêteur(euse)s qu’elle était rassurée par divers éléments, dont le soutien communautaire à la famille, la participation active de la grand-mère de Brandon aux soins de l’enfant, et les efforts de la directrice de l’école pour orienter la famille vers des programmes et des services.

 

Signalement en mars 2016

72    À la mi-février, après un rendez-vous où Brandon s’était montré agressif et peu coopératif, sa pédiatre a recommandé qu’il soit emmené pour recevoir des soins psychiatriques d’urgence et un counseling. La famille n’a pas suivi cette recommandation et a manqué le rendez-vous suivant de Brandon, si bien que le 30 mars une infirmière pédiatrique l’a signalé à la SAE.

73    La travailleuse de la SAE a fait un suivi auprès de Frank le lendemain. Celui-ci a dit qu’il avait oublié le dernier rendez-vous, mais a déclaré que la famille « en avait fini » avec le Centre de toxicomanie car Brandon avait de bonnes relations à l’école et n’avait plus besoin de counseling. La travailleuse sociale a déterminé qu’aucune enquête n’était justifiée.

 

Quatrième enquête de la SAE – Juin-septembre 2016

74    Après plusieurs mois sans grand contact avec la famille, en juin 2016, la SAE a reçu une série de rapports à propos de Brandon, qui avait alors huit ans.

75    Le 2 juin, une enseignante a fait part de ses préoccupations quant aux irrégularités de présence scolaire de Brandon, à son comportement et à ses problèmes d’hygiène. Elle a dit que Brandon mouillait souvent ses pantalons, qu’il sentait l’urine, et venait à l’école avec le visage et les mains couverts de saleté. Il était très en retard sur le plan scolaire et son comportement variait de l’insensibilité à l’incontrôlabilité. Elle a remarqué que la famille de Brandon faisait de son mieux, mais que sa mère n’avait aucun contrôle sur lui, et que son grand-oncle lui donnait tout ce qu’il voulait.

76    La SAE a ouvert sa quatrième enquête après ce signalement, et a fixé le délai d’exécution à sept jours.

77    Quatre jours plus tard, le directeur adjoint de l’école de Brandon a appelé la SAE pour lui faire part de préoccupations similaires. Il a dit que la pédiatre de Brandon voulait le voir pour traiter ses problèmes urinaires. Le directeur adjoint a aussi demandé à parler à la travailleuse sociale désignée.

78    La SAE n’a confié le cas à une travailleuse sociale que le 14  juin. Ses dossiers indiquent que ce délai était « supérieur au délai d’exécution de sept jours et n’était pas conforme aux normes ».

79    Le 16 juin, une autre enseignante a signalé à la SAE que, le jour précédent, Brandon était arrivé sale, avec un sac qui sentait la vieille nourriture. L’enseignante a dit que l’enfant semblait sous-alimenté.

80    En dépit de trois rapports, la travailleuse sociale affectée au dossier n’a pas fait remonter l’affaire, car tous les rapports portaient sur la même préoccupation principale. Une semaine après le dernier rapport, elle a commencé à prendre des mesures pour contacter Brandon. Elle a appelé l’école les 23, 28 et 29 juin, pour prendre rendez-vous avec lui, mais il était absent chaque fois. Elle n’a pas parlé au directeur adjoint, bien que celui-ci en ait fait la demande.

 

Juillet 2016

81    Le 7 juillet, la travailleuse sociale a fait une visite inopinée au domicile de Brandon. Frank était présent, mais il a dit que Brandon était allé chez sa grand-mère pour deux semaines car lui-même avait pris du retard dans le nettoyage et la lessive. La travailleuse sociale a remarqué des couches de saleté et une forte odeur d’urine dans l’appartement, ainsi qu’un panier à linge rempli de vêtements qui sentaient mauvais. Frank lui a parlé des problèmes d’incontinence de Brandon. Tous deux ont aussi parlé des inquiétudes de l’école concernant le manque d’hygiène et d’assiduité de Brandon. Frank a fait remarquer que Brandon souffrait de TDAH et de trouble oppositionnel avec provocation, qu’il urinait parfois sur le sol et renversait ses boissons. Frank a dit que lui et Cindy avaient travaillé avec des médecins et des enseignant(e)s, « mais rien ne change ».

82    La travailleuse sociale a tenté de rendre visite à Cindy le 14 juillet, mais celle-ci n’était pas chez elle. La travailleuse a laissé une carte.

83    Le 26 juillet, la travailleuse sociale a parlé à une infirmière de l’équipe médicale communautaire de Brandon. L’infirmière a expliqué qu’au fil des années Brandon avait refusé d’aller à l’école, de suivre les règles et de prendre des médicaments qui auraient pu remédier à certains de ses comportements. Elle s’est inquiétée du manque de suivi de la part des aidants(e)s de Brandon, et s’est demandé si leur capacité cognitive était limitée. Elle a noté que les aidant(e)s de Brandon avaient participé à un programme parental d’une journée, mais n’avaient pas donné suite à une recommandation de soins psychiatriques pour Brandon. Elle a aussi constaté que l’équipe médicale de Brandon envisageait une orientation vers un organisme de santé mentale.

84    L’infirmière a aussi parlé de l’incontinence de Brandon et de son refus de se laver, et elle a fait remarquer que son odeur corporelle nuisait à sa capacité d’interagir avec ses pairs et son personnel enseignant. Elle a dit qu’une évaluation psychoéducative de Brandon n’avait pas pu être terminée en raison de sa fréquentation scolaire sporadique. Elle a demandé à la travailleuse sociale d’être présente à un rendez-vous médical de suivi avec Brandon le 10 août.

85    Le même jour, la travailleuse sociale a également parlé à un infirmier en santé mentale communautaire, qui a suggéré d’effectuer l’évaluation psychoéducative de Brandon quand l’école reprendrait, à l’automne. Cet infirmier a également mentionné l’orientation en cours vers un organisme de santé mentale et a encouragé la SAE à rester impliquée auprès de la famille.

86    Le 27 juillet, la travailleuse sociale a vainement tenté de joindre la famille au téléphone. Son appel à Frank est allé à une messagerie vocale, et les numéros qu’elle avait pour la mère et la grand-mère de Brandon n’étaient plus en service.

 

Août 2016

87    La travailleuse sociale n’a pas pu entrer en contact avec l’équipe médicale de Brandon pour aller à son rendez-vous le 10 août, mais elle a demandé à la pédiatre de l’appeler après.

88    Le 12 août, la travailleuse a rencontré son superviseur pour la première fois depuis qu’elle avait reçu le dossier près de deux mois plus tôt. En vertu de la politique de la SAE alors en vigueur, le délai d’enquête était de 30 jours. Selon les normes provinciales, il est de 45 jours, ou de 60 jours avec l’approbation d’un(e) superviseur(e). L’enquête était en cours depuis 59 jours et la travailleuse sociale n’avait pas encore vu Brandon. Lors de la réunion, le superviseur a approuvé une dérogation à la norme provinciale concernant l’achèvement d’une évaluation de sécurité.  

89    La travailleuse a finalement pu organiser une visite à domicile le 16 août, soit 75 jours après la réception du premier appel d’une enseignante à la SAE. C’était la première fois que la travailleuse rencontrait Brandon et elle a constaté qu’il était propre. Cependant, il n’a pas voulu établir de contact visuel avec elle, ni lui parler, et il est resté au salon avec sa mère et son grand-oncle. La travailleuse a remarqué que le domicile était toujours sale et continuait de sentir mauvais, mais qu’il était en meilleur état que lors de sa dernière visite. Quant au rendez-vous médical du 10 août, la famille lui a dit qu’elle l’avait manqué parce qu’elle avait été retardée dans un tramway, et le rendez-vous avez dû être reporté. Durant une discussion sur les problèmes d’incontinence de Brandon, celui-ci s’est mis en colère, a injurié sa mère, a couru dans la salle de bain et a claqué la porte. Frank a également exprimé sa colère à propos de l’ingérence de la SAE dans sa vie.

90    La travailleuse sociale a achevé une évaluation de sécurité après cette visite. Elle a qualifié la situation de « sûre », sans besoin d’intervention. De plus, elle a rencontré son superviseur une nouvelle fois et a discuté de ses observations au sujet de Brandon et de son milieu de vie.

 

Septembre 2016

91    Le 5 septembre, la grand-mère paternelle de Brandon est décédée. Brandon a commencé à vivre à plein temps avec Frank, mais la SAE ne l’a appris que le 19 septembre, quand la travailleuse sociale a parlé à une infirmière de l’équipe médicale de Brandon. L’infirmière a signalé que l’équipe avait enfin rencontré la famille et prélevé un échantillon d’urine de Brandon. Elle a dit que Brandon était propre et coopératif, mais que Frank avait exprimé le sentiment d'être dépassé par l'intervention de la SAE. L'infirmière a dit à la travailleuse sociale qu’à son avis la situation était gérable entre l’école et l’équipe médicale.

92    La travailleuse sociale a achevé une évaluation des risques, indiquant que la famille était à haut risque, mais n’a noté aucune considération discrétionnaire ou primordiale atténuant les risques. Quand nos enquêteur(euse)s lui ont parlé, elle a expliqué qu’elle avait jugé le risque « élevé » en raison des rapports précédents de Brandon avec la SAE, de ses problèmes de comportement et de développement, des troubles cognitifs de sa mère et des difficultés de son grand-oncle en raison de sa pauvreté.

93    Le 20 septembre, les prestataires de services ont décidé de convertir le programme de traitement comportemental de Brandon en séances pour ses aidant(e)s, car Brandon avait eu une crise de panique pendant une séance puis avait refusé carrément d’y assister.

94    Ce même jour, le dossier d’enquête sur le bien-être de Brandon a été fermé – 110 jours après son ouverture, soit bien au-delà de la norme provinciale. La SAE avait déterminé que les allégations de négligence des besoins physiques fondamentaux et de risques de préjudice n’étaient pas vérifiées. Quand nous avons interviewé la travailleuse sociale, elle nous a dit qu’il y avait eu plusieurs facteurs atténuants à l’époque, notamment le fait que la famille était suivie par une équipe médicale et un infirmier en santé mentale à l’école de Brandon. Elle a aussi souligné que l’équipe médicale estimait pouvoir gérer adéquatement les besoins de Brandon avec la famille, sans l’intervention de la SAE, et que la famille n’était pas disposée à collaborer avec la SAE.

95    Quand nous avons posé des questions sur le retard dans l’achèvement de l’enquête, la travailleuse sociale nous a dit que la situation décrite par les personnes qui avaient initialement fait part de leurs inquiétudes à la SAE, en juin, s’était améliorée au cours de l’été.

 

Cinquième enquête de la SAE – Octobre 2016-mars 2017

96    Le 7 octobre, soit 17 jours seulement après la fermeture de la quatrième enquête de la SAE, une enseignante a appelé la SAE pour lui faire part de ses inquiétudes concernant l’hygiène de Brandon. L’enfant sentait l’urine et portait les mêmes vêtements depuis une semaine. L’enseignante a noté que l’enfant semblait sous-alimenté et refusait de participer à la classe. La SAE a ouvert sa cinquième enquête pour évaluer si les aidants(e)s de Brandon négligeaient ses besoins physiques fondamentaux.

97    Le 14 octobre, le dossier a été confié de nouveau à la travailleuse sociale qui s’était occupée de la famille récemment. Elle a attendu deux semaines avant de prendre des mesures concernant l'allégation.

98    Le 31 octobre, la travailleuse sociale a laissé des messages vocaux à Frank et à Cindy. Ne recevant aucune réponse, elle a tenté de faire une visite inopinée, mais personne n’était à la maison. Elle a laissé une carte leur demandant de l’appeler, puis elle s’est rendue à l’école de Brandon. Brandon n’a pas voulu lui parler, mais elle a constaté qu’il était propre. C’était seulement la deuxième fois qu’elle voyait Brandon en un an. De plus, elle a parlé à la directrice de l’école, qui lui a dit que le comportement et l’assiduité de Brandon restaient problématiques, mais que la situation s’était améliorée par rapport à l’année précédente.

99    La travailleuse sociale a effectué une évaluation de sécurité sans interviewer les aidant(e)s de Brandon, ni voir son milieu de vie à domicile. Elle a jugé que la situation était « sûre » sans besoin d’intervention. Elle a signalé à son superviseur que Brandon ne voulait pas lui parler, mais qu’il était propre. Elle a aussi noté que l’école avait signalé des améliorations, et que Brandon prenait ses médicaments.

100    Par la suite, la travailleuse sociale nous a dit savoir que l’évaluation de sécurité exigeait une rencontre avec l’enfant et la famille, qui devait être effectuée dans les sept jours suivant l’attribution du dossier. Or cette réunion avait eu lieu 24 jours après le premier appel concernant Brandon. La travailleuse sociale n’a pas pu nous expliquer pourquoi elle avait attendu si longtemps pour voir Brandon.

 

Novembre-décembre 2016

101    Le 7 novembre, la SAE a reçu un rapport anonyme indiquant que, la veille, Frank était tombé chez lui et que les services d’urgence avaient été appelés. La personne qui a appelé a dit que Frank et son domicile semblaient malpropres, et elle s’est inquiétée de la négligence envers l’enfant.

102    Le lendemain, la travailleuse de la SAE, qui avait récemment estimé que le domicile ne présentait pas de problème de sécurité, a effectué une visite inopinée, mais elle n’a trouvé personne chez Frank ou chez Cindy. Elle n’a réussi à joindre aucun(e) membre de la famille pendant plusieurs jours. Le 11 novembre, son superviseur lui a suggéré de contacter l’école de Brandon.

103    Le 14 novembre, la travailleuse sociale a parlé au directeur adjoint, qui a confirmé que Frank avait été hospitalisé pendant une nuit, mais qu’il était rentré à son domicile. Il a dit que Brandon avait été bouleversé et inquiet pour son grand-oncle.

104    Deux semaines plus tard, le 28 novembre, la travailleuse sociale a envoyé des lettres à Frank et à Cindy, leur demandant de la contacter. Elle n’a reçu aucune réponse.

105    Après plusieurs semaines sans aucun contact avec la famille de Brandon, la travailleuse sociale a parlé à son superviseur le 6 janvier 2017. Ensemble, ils ont décidé de consulter le personnel juridique de la SAE pour demander une ordonnance de surveillance qui leur permettrait de terminer l’enquête ou d’appréhender Brandon – selon l’option la moins intrusive pour la famille.

 

Janvier-février 2017

106    Le 30 janvier, la travailleuse sociale a consulté l’infirmier en santé mentale de l’école. Celui-ci a dit qu’il travaillait avec Brandon à un programme de traitement comportemental individualisé, mais que le manque d’assiduité, d’attention et de coopération de Brandon les avait empêchés de le terminer. Il a ajouté qu’il essayait de mettre la famille en rapport avec le CAMH pour obtenir un counseling, et de mettre Brandon en contact avec l’organisme de santé mentale en vue d’une évaluation. Il a ajouté que Brandon était venu pour une séance de counseling au CAMH.

107    Le 31 janvier, la travailleuse sociale a appelé Frank et Cindy. Elle a laissé un message vocal à Frank, mais n’a pas réussi à en laisser un au numéro de téléphone de Cindy. Le message à Frank est resté sans réponse. La travailleuse sociale n’a pas eu de contact avec la famille pendant le mois suivant. Durant cette période, Brandon a manqué deux rendez-vous chez sa pédiatre.

 

Mars 2017

108    Le 6 mars, la travailleuse sociale a rencontré son superviseur pour discuter des résultats de la cinquième enquête, qui était ouverte depuis 150 jours alors – soit plus du double de la durée définie par la norme provinciale, et cinq fois la durée autorisée par la politique de la SAE à l’époque. Même avec l’approbation d’un(e) superviseur(e), les normes ne prévoient une prolongation que de 60 jours au maximum à compter de la date du signalement. La travailleuse sociale et son superviseur ont déterminé que l’allégation était vérifiée, car Frank et Cindy avaient tous deux fait preuve d’un manque de suivi à plusieurs reprises pour répondre aux besoins physiques fondamentaux de Brandon. Ils ont décidé de demander une ordonnance de surveillance et le dossier a été transféré pour « service continu ».

 

Demande d’ordonnance de surveillance – Mars-mai 2017

109    Le 9 mars, la travailleuse sociale a achevé une évaluation des risques, indiquant que Brandon présentait un risque élevé. Quatre jours plus tard, elle a parlé avec la pédiatre de Brandon et un infirmier de son équipe médicale communautaire. Elles lui ont dit que le grand-oncle et la mère de Brandon avaient signalé que l’enfant continuait de refuser d’aller à l’école, de suivre les règles et de prendre ses médicaments. Le grand-oncle et la mère avaient participé à un programme d’éducation parentale d’une journée, mais oubliaient souvent les rendez-vous médicaux et manquaient les réunions du groupe de soutien aux parents.

110    Elles ont ajouté que le CAMH avait vu Brandon deux ou trois fois et avait fait des recommandations pour lui, mais il n’y avait pas de preuve de suivi par la famille. Quand nos enquêteur(euse)s ont interviewé la pédiatre, celle-ci a dit que sa principale inquiétude était que Brandon ne faisait aucun progrès sur le plan de ses problèmes médicaux, comportementaux ou mentaux.

111    Le 20 mars, la travailleuse sociale a parlé avec l’infirmier communautaire qui avait travaillé avec Brandon par l’intermédiaire de son école. Celui-ci lui a dit qu’il avait prévu des évaluations pour Brandon dans le cadre d’un programme de santé mentale, mais que la famille n’était pas disposée à accepter des services de counseling au CAMH, ni un traitement comportemental pour Brandon, et que son intervention auprès de la famille prendrait fin en avril.

 

Avril 2017

112    Le 26 avril, le directeur adjoint de l’école a signalé à la SAE que Brandon, maintenant âgé de 9 ans, était entré dans son bureau, avait commencé à se balancer sur un banc et avait mis ses mains vers ses parties génitales en disant : « Si vous voulez m’aider, trouvez-moi un couteau parce que je veux me tuer, mais laissez-moi tranquille. » Il a dit que Brandon transpirait, criait, et s’agitait. Le directeur adjoint a appelé Frank, Cindy et les services médicaux d’urgence, mais Brandon s’était calmé quand ils sont arrivés. Le directeur adjoint a également fait part de préoccupations similaires aux professionnel(le)s des soins de santé à propos du manque de progrès de Brandon.

113    Le lendemain, la police a informé la SAE que, durant cet incident Brandon avait dit à l’équipe mobile d’intervention en situation de crise qu’il ne voulait pas mourir, mais qu’il souffrait à cause d’une infection.

 

Mai 2017

114    Le 2 mai, la SAE a déposé au tribunal une demande d’ordonnance de surveillance pour six mois, au motif que Frank n’avait pas fourni de soins adéquats à Brandon et qu’il le négligeait. La demande indiquait que Frank n’avait pas donné suite aux recommandations visant à régler les difficultés de comportement, les troubles urinaires, les problèmes d’hygiène et d’assiduité scolaire de Brandon. La demande soulignait que la SAE n’avait pas réussi à obtenir que la famille collabore volontairement avec elle pour régler ces problèmes.

115    La SAE a entamé le processus de transfert du dossier à « une travailleuse des services aux familles » – comme c’est la pratique lorsqu’on juge qu’un enfant a besoin de protection, et que des services continus sont requis. Le rôle principal de ces travailleur(euse)s est d’appuyer les parents pour s’assurer qu’ils font des progrès et de travailler avec eux pour atténuer les risques discernés.

116    Le 4 mai, la travailleuse alors chargée du dossier a parlé au directeur adjoint de l’école, qui avait laissé plusieurs messages à la SAE, demandant une conférence de cas. Le directeur adjoint a déclaré que Brandon avait des difficultés à l’école, et qu’il avait de nouveau fait des commentaires quant à son désir de mourir.

 

Ordonnance de surveillance accordée – Mai 2017

117    Frank a contesté la demande de la SAE. Cependant, le 8 mai, le tribunal a rendu une ordonnance de surveillance temporaire, confiant Brandon aux soins de Frank sous réserve de trois conditions : Frank devait permettre à la SAE de le rencontrer deux fois avec Brandon avant la prochaine date d’audience au tribunal, Brandon devait aller à l’école tous les jours, et Frank devait informer la SAE de tout changement d’adresse ou de numéro de téléphone dans les 24 heures.

118    Malgré la persistance des inquiétudes concernant le bien-être de Brandon, la travailleuse de la SAE n’a pas tenté de le rencontrer en privé pendant plus de six mois après sa première visite à l’école le 31 octobre. Elle a reconnu devant nos enquêteur(euse)s qu’elle comprenait que son rôle était d’essayer d’établir le contact avec le jeune garçon durant cette période.
 
119    Le 15 mai, le dossier de Brandon a été confié à une travailleuse des services aux familles. La nouvelle travailleuse et l’ancienne travailleuse ont assisté toutes les deux à une conférence sur ce cas organisée par l’école de Brandon le 18 mai. Durant la conférence, il a été indiqué que Brandon avait de bonnes relations avec son enseignante et le directeur adjoint, qu’il se rendait souvent au bureau du directeur adjoint pour « décompresser ». Il a également été indiqué que Brandon était en contact avec une conseillère du programme des Grands frères et Grandes sœurs, et qu’il venait toujours à l’école le vendredi pour la voir.

120    Le 25 mai, la pédiatre de Brandon a signalé à la SAE que Brandon avait besoin d’un soutien urgent de santé mentale, qu’il souffrait de lésions rénales dues à une rétention d’urine, et que sa famille n’avait pas fourni d’échantillon d’urine depuis plus de six mois. Elle a ajouté qu’elle était « très inquiète » et a estimé que Brandon devait être placé dans un nouveau foyer. Elle a qualifié de destructrice la relation entre Brandon et sa mère – tous deux s’injuriant et se frappant mutuellement – et que Brandon en souffrait émotionnellement. La pédiatre a dit que lorsque la mère de Brandon le laissait seul avec elle, il « sort de sa coquille et devient très bavard ». Elle a également observé que Frank avait bien du mal à prendre soin de lui-même, qu’il marmonnait ses mots, ce qui pouvait indiquer un problème d’alcool ou de médicaments sur ordonnance, et qu’il ne pouvait pas s’occuper adéquatement de Brandon. La pédiatre a noté que, selon la conclusion initiale du service d’urologie de l’Hôpital pour enfants malades, les problèmes de Brandon étaient d’ordre émotionnel, mais qu’elle avait demandé un réexamen du dossier de Brandon.

121    Après avoir consulté son superviseur au sujet du rapport de la pédiatre, la nouvelle travailleuse des services aux familles chargée du dossier a demandé à la pédiatre de consigner ses préoccupations par écrit. La travailleuse des services aux familles a également cherché à obtenir des renseignements sur le CAMH et d’autres programmes pour Brandon. Elle a aussi tenté, mais sans succès, d’obtenir le consentement de Frank pour assister à un rendez-vous d’un organisme de soins de santé mentale avec la famille.

122    Malgré les inquiétudes de la pédiatre, le 31 mai, il a été inscrit au dossier de la SAE que Frank « se conformait à l’ordonnance de surveillance ». La travailleuse des services aux familles nous a dit que c’était parce que Frank essayait de faire de son mieux pour que Brandon aille à l’école.

 

Sous surveillance – Juin 2017 à octobre 2018

123    La première visite prévue par la nouvelle travailleuse sociale au domicile de Brandon a eu lieu le 1er juin. Frank et Cindy étaient à l’appartement, mais Brandon était à l’école. La travailleuse sociale a observé que l’appartement était sombre, les murs très sales et couverts d’empreintes de doigts. Il y avait de la vaisselle sale et des restes de nourriture dans la cuisine. Les sols étaient usés et sales, et un lit était appuyé contre l’entrée du salon. Frank et Cindy ont dit que Brandon dormait parfois dans sa chambre – la seule chambre à coucher – sur un matelas, et parfois sur un canapé-lit au salon. La travailleuse sociale a dit qu’elle était venue pour se présenter, discuter des préoccupations de la pédiatre, et organiser une réunion avec l’école. Frank a dit qu’il ne voyait pas le besoin d’une intervention de la SAE.

124    La nouvelle travailleuse sociale n’a pas cherché à rencontrer Brandon ce jour-là. (L’ancienne travailleuse sociale n’avait pas essayé non plus de le rencontrer en privé durant les six mois précédents.) Quand nos enquêteur(euse)s l’ont interviewée, elle a dit qu’elle n’avait jamais rencontré Brandon en privé, car il refusait de lui parler. Elle a indiqué qu’elle s’était immédiatement inquiétée de l’état de l’appartement. Cependant, en raison de l’âge de Brandon – il avait alors neuf ans – elle avait considéré que c’était son milieu de vie, et que c’était ainsi que la famille fonctionnait. Elle avait décidé de voir ce qu’elle pourrait faire pour améliorer les conditions de vie de Brandon, et l’aider à obtenir la satisfaction de ses besoins mentaux et médicaux. Elle a reconnu que, si Brandon avait eu trois ans environ, elle ne l’aurait probablement pas laissé dans ce domicile.

125    Après sa visite, la travailleuse sociale a informé son superviseur que l’appartement devrait être nettoyé, et que la famille devrait veiller à répondre aux besoins médicaux et mentaux de Brandon. Le superviseur lui a conseillé de contacter les médecins de Brandon pour s’assurer que l’enfant se présentait à ses rendez-vous.

126    Le 15 juin, la travailleuse sociale a fait une deuxième visite à la famille. Brandon était présent, mais elle ne lui a pas parlé. Elle a noté que Brandon était pâle et maigre, mais qu’il ne sentait pas mauvais. Frank lui a dit que les médicaments de Brandon influaient sur son appétit, et qu’il n’y avait pas de routine fixe pour le dîner, mais que Brandon grignotait ce qu’il voulait. Frank a ajouté qu’il ne pouvait pas forcer Brandon à aller à l’école et il a suggéré que l’enfant soit scolarisé à la maison les matins.

127    Le lendemain, la travailleuse sociale a parlé à la pédiatre de Brandon qui a réitéré ses préoccupations, a fourni des notes médicales remontant à 2014, et a demandé à la travailleuse sociale d’assister à un prochain rendez-vous d’urologie avec Brandon et sa famille.

128    Le 22 juin, le tribunal a prolongé l’ordonnance de surveillance.

 

Juillet 2017

129    Le 7 juillet, la travailleuse sociale a effectué sa troisième visite prévue au domicile de Brandon. Elle a constaté que l’appartement était plus propre qu’auparavant. Brandon était couché sur le canapé, sous une couverture. Il portait une couche-culotte et jouait sur une tablette tout en mangeant des nouilles dans un contenant en plastique. La travailleuse sociale ne lui a pas parlé en privé. Frank a attribué les absences scolaires de Brandon à sa prise de médicaments. Pendant la visite, Frank a demandé à Brandon s’il accepterait d’aller tous les jours à l’école et Brandon a répondu non. La travailleuse sociale a souligné à Frank l’importance de structure et de routine, surtout pour l’école.  

130    La travailleuse sociale n’est pas allée à la consultation d’urologie à l’Hôpital pour enfants malades, prévue pour le 13 juillet. Quand elle l’a mentionné durant sa visite, Frank s’est mis sur la défensive et a dit qu’il se sentait surveillé par la SAE. La travailleuse sociale a dit à nos enquêteur(euse)s qu’elle et son superviseur en avaient longuement discuté et avaient décidé qu’il n’était pas dans l’intérêt véritable de Brandon qu’elle aille au rendez-vous, car il était possible qu’il ne passe pas les tests prévus. Elle n’a jamais parlé directement des troubles urinaires de Brandon à quiconque à l’hôpital.

 

Août 2017

131    Avant d’effectuer sa visite suivante, la travailleuse sociale a discuté avec son superviseur de l’importance, pour Frank, d’emmener Brandon à l’école en septembre et d’aller aux rendez-vous médicaux.

132    Le 11 août, la travailleuse sociale a rendu visite à Brandon, Frank et Cindy. Frank a déclaré que le service d’urologie à l’Hôpital pour enfants malades lui avait dit que « c’était tout dans la tête de Brandon » et qu’un autre rendez-vous était prévu pour septembre. Frank a maintenu que l’intervention de la SAE était injustifiée, et il a refusé de fixer une autre date de visite avant la prochaine audience au tribunal. Il s’est mis en colère en présence de la travailleuse sociale, a haussé la voix quand elle parlait. Cindy s’est fâchée quand la travailleuse sociale a fait référence à Frank comme le parent de Brandon.

133    Pendant ce temps, Brandon était allongé sur le canapé, en couche-culotte, et jouait à un jeu vidéo sur une tablette tout en mangeant des petits beignets recouverts de glaçage, dans un contenant en plastique. Il a refusé de parler à la travailleuse sociale en privé, mais il a répété sur un ton sarcastique les commentaires qu’elle et Frank faisaient. À la fin de la visite, Brandon a annoncé qu’il voulait dire quelque chose. Il a dit à la travailleuse sociale : « La SAE n’a pas besoin de venir me voir – je vais bien. »

134    Le 21 août, le tribunal a de nouveau prolongé l’ordonnance de surveillance.

 

Septembre-octobre 2017

135    Le 1er septembre, la travailleuse des services aux familles a tenté de planifier sa cinquième visite à domicile. Elle n’y est pas parvenue et n’a donc effectué sa nouvelle visite que le 28 septembre. Le 14 septembre, elle a demandé une dérogation à la norme provinciale de 30 jours exigée, en invoquant le devoir de jurée comme raison de sa demande.

136    Lors de la visite du 28 septembre, Brandon n’a pas répondu à la plupart des questions de la travailleuse sociale, sauf lorsque Frank lui a demandé de le faire. Frank a dit que Brandon était allé à l’école tous les jours et n’avait pas de rendez-vous de counseling prévu.

137    Le 18 octobre, la travailleuse sociale a confirmé auprès du directeur adjoint que Brandon allait à l’école. Le directeur adjoint a dit que Brandon avait du mal à créer des liens avec ses pairs, et que l’école songeait à faire appel à un(e) conseiller(ère) pédagogique pour gérer son comportement.

138    Le 27 octobre, la travailleuse sociale a effectué sa sixième visite à domicile, et elle a constaté que l’appartement sentait le renfermé et avait besoin d’être nettoyé à fond. De nouveau, Brandon a refusé de lui parler.

 

Novembre-décembre 2017

139    Le 13 novembre, un psychologue scolaire a laissé un message à l’intention de la travailleuse sociale, demandant à s’informer des soutiens et disant que Brandon avait des difficultés à gérer son comportement. Le lendemain, la travailleuse sociale a confirmé que la famille commençait un counseling au CAMH.

140    Deux jours plus tard, la SAE a reçu un appel anonyme disant que Frank sentait l’alcool, que le domicile familial était très sale, et que la mère de Brandon criait et jurait contre lui. La personne qui appelait a déclaré que si rien n’était fait, elle en informerait les médias.

141    La travailleuse sociale a consulté son superviseur et ensemble ils sont convenus que ces allégations étaient similaires à celles auxquelles ils travaillaient déjà et ne nécessitaient donc pas d’enquête. La travailleuse sociale devait partir en vacances, et son superviseur a accepté d’affecter une autre travailleuse au suivi de la famille. Cependant, rien n’a été fait – aucun suivi n’a été effectué avant le retour de vacances de la travailleuse sociale, à la fin du mois.

142    Entre-temps, l’appelant anonyme a contacté de nouveau la SAE. Il a dit qu’il avait appris qu’il y aurait une enquête, mais que l’enfant vivait toujours à l’appartement. L’appelant a menacé de contacter son(sa) député(e) provincial(e) et de parler publiquement dans les médias sociaux.

143    Le 29 novembre, la travailleuse sociale a effectué sa septième visite à domicile. De nouveau, elle a constaté que la maison avait besoin d’être nettoyée. Brandon était présent, mais il a refusé de sortir de sa chambre et de lui parler. Frank a nié les allégations de l’appelant anonyme. Il a dit que Brandon allait à l’école, mais trouvait difficile d’y retourner après le repas de midi. Il n’y a pas eu d’autre suivi de l’appel anonyme.

144    Quand nous avons parlé à la travailleuse sociale, elle nous a dit qu’elle était consciente des fréquentes allégations selon lesquelles Frank avait un problème d’alcool, mais qu’elle n’avait jamais trouvé Frank en état d’ébriété ou sentant l’alcool, et qu’elle n’avait jamais vu aucune preuve de consommation excessive d'alcool dans l'appartement. Elle a noté qu’elle n’avait jamais envisagé de faire une visite inopinée. Elle a expliqué que d’habitude elle parlait aussi à l’enfant au lieu de se fier uniquement aux assurances de la famille, mais qu’elle savait que Brandon ne voulait pas lui parler. Son superviseur nous a dit que les allégations de consommation d’alcool ne semblaient pas inquiéter la travailleuse des services aux familles, et que cela ne l’inquiétait donc pas non plus.

145    Aucune visite officielle n’a été faite à l’appartement en décembre, mais le 8 décembre la travailleuse sociale est passée déposer un cadeau de Noël pour Brandon et des bons d’alimentation pour la famille. Son superviseur avait également approuvé un paiement pour un nouveau lit pour Brandon.  

 

Janvier 2018

146    Lors de sa huitième visite à domicile le 5 janvier, la travailleuse sociale a constaté que le domicile de Brandon était « fort sale ». Elle a trouvé Brandon assis sur une table dans la chambre, nu et enveloppé d’une couverture, en train de jouer à un jeu vidéo. Des couches-culottes usagées étaient éparpillées dans la pièce. Brandon n’a pas voulu lui parler, mais Frank a expliqué qu’ils n’avaient pas nettoyé parce qu’ils avaient tous la grippe.

147    Le même jour, la travailleuse sociale a demandé à son superviseur d’approuver une dérogation à la norme exigeant qu’elle rencontre Brandon en privé, étant donné qu’il avait refusé à maintes reprises de lui parler.

148    Le 8 janvier, le tribunal a rendu une ordonnance de surveillance définitive, constatant que Brandon était un enfant qui avait besoin de protection et le confiant aux soins de Frank. L’ordonnance s’accompagnait de plusieurs conditions, dont les suivantes :

  • Frank et Cindy devaient travailler en collaboration avec la SAE, et notamment se réunir avec elle au moins une fois par mois;

  • Frank devait autoriser la travailleuse de la SAE à visiter son domicile avec ou sans préavis, et à rencontrer Brandon en privé;

  • Frank devait faire de son mieux pour s’assurer que Brandon aille à l’école à l’heure chaque jour, pour veiller aux soins d’hygiène de Brandon (notamment en travaillant avec la SAE pour établir des habitudes d’hygiène), et pour que Brandon prenne ses médicaments;

  • Frank devait s’assurer que Brandon aille aux rendez-vous médicaux ou thérapeutiques prévus, et suive les recommandations raisonnables des prestataires de service.


149    Le 11 janvier, le directeur adjoint de l’école de Brandon a dit à la travailleuse sociale que les résultats scolaires de l’enfant souffraient de ses retards fréquents. Il a ajouté que Brandon avait un comportement destructeur et avait besoin d’une supervision individuelle constante. La travailleuse sociale a dit qu’elle parlerait à Frank.

150    Quand elle a réussi à joindre Frank, celui-ci a dit que l’appartement allait être fumigé en raison d’une infestation de punaises de lit, et il a demandé que la SAE ne livre le nouveau lit de Brandon qu’en février.

151    Le 22 janvier, la travailleuse sociale s’est rendue à une réunion à l’école de Brandon avec des enseignant(e)s, deux directeurs adjoints, des consultant(e)s, le psychologue du conseil scolaire et une autre travailleuse sociale. Frank n’était pas présent, car il avait emmené Brandon à un rendez-vous au service d’urologie. Lors de cette réunion, il a été noté que Brandon avait un comportement perturbateur quand son enseignante n’était pas présente, qu’il n’avait pas fait de progrès scolaires, et qu’il travaillait à un niveau de 1re année alors qu’il était en 4e année. Quant aux services de santé mentale, il a été noté que Brandon ne voulait recevoir ni les services du CAMH, ni ceux d’un organisme de soins en santé mentale.

152    Après la réunion, la travailleuse sociale s’est renseignée à plusieurs reprises et elle a appris que la famille avait commencé à aller à des sessions au CAMH en janvier mais que, lorsque Brandon était présent aux sessions d’éducation parentale, il était perturbateur et refusait de partir.

 

Février 2018

153    Quand la travailleuse sociale a effectué sa neuvième visite à domicile le 1er février, l’appartement était en préparation pour la fumigation. Elle a observé que l’appartement avait besoin d’être nettoyé. Elle a dit bonjour à Brandon et elle lui a demandé s’il voulait lui parler en privé, mais il ne lui a rien répondu. Il avait une conjonctivite, pour laquelle il était soigné. Frank a reconnu avoir oublié un rendez-vous au CAMH en janvier, et il a ajouté qu’il avait été informé de la réunion à l’école et avait signé des documents concernant l’apprentissage scolaire de Brandon.

154    Le 5 février, le superviseur de la travailleuse sociale a approuvé une nouvelle dérogation à la norme exigeant une entrevue privée avec Brandon, et le 6 février, après avoir discuté du cas avec la travailleuse sociale, le superviseur a noté ceci dans le dossier : « Bien que le comportement de Brandon présente encore de nombreuses difficultés…, Frank travaille assidûment avec le CAMH, la SAE et l’école pour veiller à satisfaire les besoins de l’enfant. »

155    Au cours des quelques jours suivants, une conseillère du programme du CAMH a dit à la travailleuse sociale que les réunions ne donnaient aucun résultat, car Brandon refusait d’y apporter sa participation. Leurs réunions hebdomadaires étaient devenues mensuelles, puis il n’y avait pas eu de réunion du tout d’août à octobre. La conseillère a orienté la travailleuse sociale vers un autre programme dans un centre communautaire de santé mentale pour enfants. De plus, la pédiatre de Brandon a fait savoir qu’elle attendait toujours un échantillon d’urine qu’elle avait demandé en novembre.

156    La travailleuse sociale a effectué une dixième visite à domicile le 20 février. Brandon n’a pas réagi à sa présence.

 

Mars-avril 2018

157    Au début de mars, la travailleuse sociale a demandé une mise à jour à la pédiatre de Brandon. Celle-ci a répondu qu’elle s’inquiétait pour Brandon et que la famille n’avait pas fait grand « progrès ». Quelques jours plus tard, la travailleuse sociale s’est rendue au domicile de Brandon pour la onzième fois. Brandon a refusé de la rencontrer en privé. Frank a répondu à ses questions sur la demande répétée de la pédiatre pour un échantillon d’urine en disant que ce n’était pas nécessaire car le service d’urologie de l’Hôpital pour enfants malades avait jugé que les problèmes de Brandon étaient d’ordre comportemental. La travailleuse sociale a insisté que la pédiatre avait besoin d’un échantillon. Cependant, elle n’a pris aucune autre mesure à ce sujet. Par la suite, son superviseur a approuvé sa demande d’une autre dérogation à la norme exigeant une entrevue en privé avec Brandon.

158    Le 28 mars, la travailleuse sociale est allée pour la douzième fois à l’appartement de Frank, cette fois accompagnée d’un représentant d’un programme de nettoyage, qui a fourni un devis pour les services de nettoyage. La travailleuse sociale s’est inquiétée des absences de Brandon à l’école, et Cindy a répondu que Brandon trouvait l’école ennuyeuse. Frank a consenti à ce que Brandon suive un programme de traitement dans un centre de santé mentale communautaire à l’automne.

159    Au début d’avril, le tribunal a prolongé l’ordonnance de surveillance de la SAE. Une fois de plus, la travailleuse sociale a fait une visite le 5 avril, et de nouveau Brandon a ignoré sa présence. Quelques semaines plus tard, le directeur adjoint de l’école de Brandon a dit à la travailleuse sociale qu’il s’inquiétait car Frank n’avait pas accepté de placer Brandon dans une classe pour l’enfance en difficulté à la prochaine année scolaire.

160    Le 27 avril, le superviseur de la travailleuse sociale a accordé une dérogation à la norme de visite mensuelle à domicile, car la travailleuse partait en vacances. Ensemble, ils ont décidé de ne pas envoyer de remplaçante en visite pendant son absence, car Brandon n’était pas disposé à parler à quiconque.

 

Mai-juin 2018

161    À la mi-mai, la pédiatre de Brandon a informé la SAE de ses inquiétudes concernant l’échantillon d’urine de Brandon, qu’elle attendait toujours, et de dommages éventuels aux reins. Elle a dit qu’elle demandait une échographie pour Brandon et a fait appel à l’aide de la travailleuse sociale pour que Brandon et sa famille participent aux programmes du CAMH. Le directeur adjoint de l’école a lui aussi exprimé ses inquiétudes à la travailleuse sociale concernant l’absence de progrès face aux problèmes de Brandon.

162    La visite à domicile suivante a été reportée (et une dérogation à la norme a été approuvée) car la travailleuse sociale avait un rendez-vous personnel, mais elle et son superviseur se sont rencontrés pour discuter du cas de Brandon le 28 mai. Dans ses notes, le superviseur a écrit ceci après la réunion : « En dépit des difficultés, le mieux pour Brandon est d’être confié à la garde de son oncle. Au moins, avec Frank, il peut maintenir une relation avec sa famille. Nous continuerons à essayer d’encourager Frank à accéder à un maximum de services et de soutiens pour Brandon, tant à l’école qu’à la maison. »

163    La travailleuse des services aux familles a effectué sa quatorzième visite à domicile le 31 mai. Elle a indiqué que l’appartement était « mal entretenu ». Brandon a refusé de lui parler. Bien qu’un échantillon d’urine ait été discuté, aucun plan n’a été établi pour s’assurer que Frank ferait un suivi. La travailleuse sociale a dit par la suite à nos enquêteur(euse)s qu’en rétrospective, il y avait eu « un énorme oubli de ma part ».

164    Au début de juin, le superviseur de la travailleuse sociale a approuvé de nouveau une demande de dérogation, devenue habituelle, à la norme exigeant une rencontre en privé avec Brandon. La travailleuse sociale a parlé au directeur adjoint du fait que Frank refusait d’envoyer Brandon dans une classe pour l’enfance en difficulté (il pensait qu’éloigner l’enfant de son école habituelle serait trop difficile). La travailleuse sociale a noté que Frank était d’accord pour que Brandon participe à un programme de santé mentale – mais il n’est pas certain qu’elle n’en a jamais fait la demande.

165    La quinzième visite à domicile de la travailleuse sociale a eu lieu le 28 juin. Elle a constaté que l’appartement était poussiéreux et sale. Brandon a refusé de lui parler, et une fois de plus Frank a refusé l’offre d’un lit pour Brandon, disant que l’appartement devait être fumigé une fois de plus en raison d’une infestation de punaises de lit.

 

Juillet-août 2018

166    Le 9 juillet, une inspectrice de la santé publique a reçu une demande urgente de Toronto Community Housing concernant l’appartement de Frank. L’inspectrice et d’autres responsables ont visité le domicile ce jour-là. Les constatations de l’inspectrice ont longuement fait état de la saleté de chaque pièce, et de la présence de punaises de lit. Le rapport d’inspection a précisé que tout le fouillis – y compris les ordures, la vaisselle non lavée, le linge sale, les restes de nourriture, la litière souillée pour chats et les couches-culottes – devrait être éliminé avant de pouvoir traiter l’appartement contre les punaises de lit.

167    L’inspectrice a dit à la travailleuse sociale que l’infestation résultait du mauvais entretien de l’appartement, qui présentait presque un danger pour la santé de Brandon, selon elle. Elle a dit qu’elle aurait émis une ordonnance de danger en matière de santé si Frank et le propriétaire n’avaient pas coopéré pour faire nettoyer l’appartement. Elle a souligné qu’il faudrait effectuer un suivi au domicile de Cindy pour empêcher une nouvelle infestation, car les punaises de lit étaient transportées d’un appartement à l’autre.

168    L’inspectrice a également fait remarquer à la travailleuse sociale que Brandon souffrait d’asthme et que sa mère fumait dans l’appartement, qu’il dormait avec Frank, et qu’il semblait souffrir de malnutrition.

169    Préoccupée par les commentaires de l’inspectrice, la travailleuse sociale a parlé à Frank ce jour-là. Frank a répondu que les choses « lui avaient échappé », et que le vrai problème était que la famille était mal logée. Il a aussi dit que Brandon était bouleversé, en colère, et pensait que personne ne l’aimait. La travailleuse sociale a dit à Frank que Brandon avait besoin de counseling.

170    Le 17 juillet, la travailleuse sociale, l’inspectrice de la santé publique et le vendeur de services de nettoyage se sont rendus au domicile de Frank, et ils ont trouvé Frank sur la défensive. L’appartement était encombré et sale, mais Frank refusait de se débarrasser de quoi que ce soit. Brandon n’avait pas pris de bain depuis une semaine. La travailleuse sociale a dit qu’elle demanderait l’autorisation de paiement des frais de nettoyage pour l’appartement. Frank a dit qu’ils avaient besoin d’un appartement plus grand, mais que cela faisait sept ans qu’ils étaient sur une liste d’attente pour un logement de deux chambres.

171    Une fois de plus, Brandon a refusé de parler à la travailleuse sociale, ce qu’elle a qualifié de « typique », et son superviseur a autorisé une nouvelle dérogation à la norme. Lorsque nos enquêteur(euse)s l’ont interrogée à ce sujet, la travailleuse sociale a expliqué qu’elle connaissait bien la norme, mais que Brandon refusait systématiquement de lui parler. Elle a reconnu ne pas avoir essayé de le rencontrer à l’école, et n’avoir jamais discuté avec son superviseur de stratégies pour obtenir la participation de Brandon.

172    La SAE avait accepté d’acheter un lit pour Brandon en février, mais l’infestation des punaises de lit a arrêté ce projet. En août, Brandon dormait sur deux coussins de canapé. Une fois de plus, la SAE a accepté d’acheter un lit.

173    À la mi-août, la travailleuse sociale a demandé une dérogation à l’obligation de visite mensuelle. Le superviseur nous a dit que cette demande avait été acceptée car la situation à domicile semblait s’améliorer et des plans étaient faits pour aider la famille à garder le domicile propre et sûr. Cependant, le 16 août, une inspectrice de la santé publique a signalé à la travailleuse sociale qu’elle était allée à l’appartement – croyant qu’une visite y était prévue – et que Frank avait refusé de la laisser entrer. Elle a dit qu’à partir du couloir elle avait pu voir que l’appartement était très sale, et que la famille n’avait pas suivi les instructions strictes concernant la lutte contre la vermine. Selon elle, les conditions de vie étaient inacceptables et il était de son devoir de le signaler à la SAE.

174    La travailleuse sociale a appelé Frank, qui a nié les observations de l’inspectrice. En fin de compte, il n’y a pas eu de suivi, car la travailleuse sociale est partie en congé prolongé le 21 août. L’inspectrice de la santé publique a envoyé un courriel à la travailleuse sociale pour obtenir une mise à jour le 27 août. Elle a fermé son dossier en novembre, n’ayant reçu aucune réponse.

 

Septembre 2018

175    Au début de septembre, le superviseur de la travailleuse sociale a approuvé une dérogation à la norme exigeant une visite mensuelle, notant qu’il n’était pas logique d’envoyer quelqu’un pour la remplacer pendant qu’elle était en congé. Pendant près d’un mois, personne n’a été officiellement chargé du dossier. Cependant, à la mi-septembre, une nouvelle travailleuse a été informée que le dossier lui serait confié. Alors qu’elle se familiarisait avec ce dossier, la nouvelle travailleuse sociale s’est heurtée à certains obstacles. Par exemple, les examens semestriels officiels n’avaient pas été effectués depuis plus de 11 mois.

176    Le 28 septembre, elle a appelé l’école de Brandon pour obtenir une mise à jour avant son affectation officielle. La directrice lui a dit que Brandon fréquentait l’école, mais qu’il arrivait généralement tard, qu’il portait souvent les mêmes vêtements, et que récemment il était venu dans son bureau pour se plaindre de maux de ventre. Elle a fait remarquer que Frank semblait très affectueux et attentionné envers Brandon, mais elle pensait que Brandon s’inquiétait de sa situation familiale. Elle n’était pas certaine que Brandon ait assez à manger au repas de midi. Elle et la travailleuse sociale sont convenues d’inscrire Brandon au programme scolaire de repas chauds gratuitement.

177    La travailleuse sociale a également laissé un message vocal à Frank, pour se présenter, et a contacté le service de logements communautaires. Elle a appris que le logement de Frank avait été traité contre les punaises de lit les 15 et 22 août, puis le 26 septembre, et qu’une inspection de suivi était prévue. Un service de nettoyage avait été engagé, mais le nettoyage n’avait pas encore été effectué car l’appartement n’était toujours pas complètement débarrassé de vermine. Une crainte était que la mère de Brandon ne ramène des punaises de lit de son appartement à celui de Frank. De plus, une infirmière de la santé publique estimait que l’appartement était « invivable ».

 

Octobre 2018

178    Le 1er octobre, la nouvelle travailleuse sociale a été officiellement affectée au dossier de Brandon, et elle a parlé à Frank ce jour-là. Il lui a dit que Brandon avait fait la grasse matinée et n’était pas encore parti pour l’école. Quand elle lui a dit qu’elle avait fait le nécessaire pour inscrire Brandon au programme de repas chauds, il a répondu que Brandon n’aimait pas manger à l’école, et que ses médicaments contre son TDAH lui coupaient l’appétit. Frank a aussi dit que lui-même se rétablissait d’une opération et que la mère de Brandon l’aidait. Il a confirmé que l’appartement avait été traité contre la vermine à quelques reprises, et qu’il devait l’être de nouveau.

179    La travailleuse sociale s’est renseignée auprès du programme de santé mentale communautaire pour enfants qui avait été suggéré pour Brandon (il s’est avéré que ce programme ne lui convenait pas) et elle a parlé à l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA) au sujet de ses programmes parentaux. L’INCA a indiqué qu’il avait déjà envoyé des renseignements à la SAE, mais n’avait reçu aucune réponse. La travailleuse sociale a rempli un formulaire d’orientation vers ce programme le même jour.

180    Le 4 octobre, la travailleuse sociale a effectué sa première visite à l’appartement de la famille. Elle a constaté que le volume du son de la télévision était très fort, et elle avait dû frapper trois fois avant que Frank ne vienne lui ouvrir la porte. Une fois entrée, elle a remarqué une forte odeur. Quand Brandon est arrivé avec sa mère, la travailleuse sociale a tenté de lui parler seul, mais il a refusé. Il semblait propre, habillé convenablement, timide, petit pour son âge, et très mince. Elle lui a donné un modèle réduit d’hélicoptère à fabriquer pendant la fin de semaine.

181    La travailleuse sociale a également observé que l’appartement sentait le moisi et la fumée, que les murs et les sols étaient sales, que la cuisine était en désordre, qu’il y avait de la vaisselle sale dans l’évier, et des petits insectes morts sur la table basse. Il y avait aussi des sacs poubelles remplis de déchets ménagers, les draps du futon étaient tachés et extrêmement sales. L’unique chambre à coucher était utilisée comme espace de rangement et Brandon et Frank dormaient ensemble sur le futon dans le salon. Frank a dit que les services de santé publique avaient mis ses affaires dans des sacs et n’étaient jamais revenus les chercher. Une fois de plus, il a rejeté l’offre d’un nouveau lit, disant qu’il devrait le jeter à cause des punaises. La travailleuse sociale a proposé de trouver quelqu’un qui pourrait passer prendre Brandon les matins pour l’emmener à l’école.  

182    Le 10 octobre, la travailleuse sociale a parlé à une superviseure du CAMH, et celle-ci lui a dit que la famille avait pris part à sept séances de janvier à juin, puis à une en septembre, mais que Brandon ne participait pas activement. La superviseure du CAMH a estimé que la famille ne faisait pas de progrès, car Brandon ne voulait pas participer et Frank semblait dépassé par la situation. Cependant, elle a suggéré une thérapie continue de counseling en matière de deuil, concernant le décès de la grand-mère de Brandon.

183    Le 15 octobre, la travailleuse sociale a discuté avec un superviseur de la SAE de ses préoccupations à propos des questions de nutrition de Brandon et de l’état du domicile familial. Le superviseur lui a dit de continuer à travailler avec la famille, et a suggéré l’achat d’un « lit dans un sac » pour Brandon (literie et oreillers) et de boissons nutritives en conserve.

184    La directrice de l’école de Brandon a parlé à la travailleuse sociale le 17 octobre, soulevant de nombreuses préoccupations. Brandon était arrivé en retard 34 fois depuis la rentrée scolaire, le 4 septembre, et il avait été absent 9,5 jours. Frank avait refusé son consentement à une évaluation psychologique de Brandon. Comme Brandon n’était pas à l’école durant le programme de repas chauds, et comme il se plaignait de maux d’estomac, la directrice a pensé qu’il n’avait pas assez à manger. Brandon portait généralement les mêmes vêtements tous les jours, et dégageait des odeurs corporelles. Bien que placé en 5e année, il travaillait encore au niveau de la 1re année dans toutes les matières. La travailleuse sociale et la directrice de l’école ont décidé que cette dernière devrait rencontrer Frank pour lui dire ses inquiétudes directement.

185    La travailleuse sociale a également parlé de l’état dans lequel se trouvait l’appartement de Frank à des responsables du service de logements communautaires, et elle a discuté des possibilités de le reloger dans un autre bâtiment, avec plus de soutiens.

186    La SAE et la famille sont retournées au tribunal le 17 octobre, et le juge s’est dit préoccupé par la santé de Brandon, ses problèmes d’école et le manque de propreté du domicile. Il a demandé à Frank de faire un suivi et à la SAE de démontrer que des progrès étaient réalisés sur les points identifiés. La travailleuse sociale a également parlé de ses inquiétudes à Frank et Cindy, et elle a rappelé à Frank qu’il devait veiller à ce que Brandon aille à l’école à l’heure, pour toute la journée, tous les jours.

187    Le 19 octobre, la directrice de l’école de Brandon a informé la travailleuse sociale que Brandon était venu à son bureau à plusieurs reprises, se plaignant de douleurs à l’estomac, et qu’il arrivait à l’école portant des vêtements inappropriés pour le temps qu’il faisait. Elles ont décidé de prendre rendez-vous avec Frank à l’école pour le lundi suivant, le 22 octobre. La travailleuse sociale a laissé un message vocal à la pédiatre de Brandon, pour s’enquérir de l’état de santé général de l’enfant.

 

Lundi 22 octobre – L’appréhension

188    Le lundi 22 octobre, la travailleuse sociale a rencontré la directrice de l’école de Brandon le matin, à l’école. Frank ne s’est pas présenté à la réunion prévue. Quand la travailleuse sociale et la directrice l’ont appelé au téléphone sur le mode haut-parleur, il a semblé affolé. Brandon refusait de se lever et se plaignait de douleurs à l’estomac. Frank ne savait pas si Brandon avait mangé la veille. La directrice s’est inquiétée du fait que Brandon ne mangeait peut-être pas assez et manquait le programme de repas chauds, mais Frank a refusé un autre rendez-vous de réunion – et il a raccroché.

189    La travailleuse sociale et la directrice ont décidé d’aller à pied de l’école à l’appartement de la famille, qui était tout proche, pour offrir leur aide. Quand elles sont arrivées, le son de la télévision était si fort qu’elles pouvaient l’entendre de l’ascenseur. Elles ont dû frapper très fort à la porte pour obtenir une réponse.

190    Toutes deux ont été extrêmement inquiètes en découvrant l’état de l’appartement quand on leur a finalement ouvert la porte. La travailleuse sociale nous a décrit la scène en détail :

Alors, nous sommes entrées et l’endroit était complètement en désordre… il y avait des ordures partout, encore plus que quand j’y étais venue la fois précédente. Des couches souillées jonchaient le sol. Il y avait des excréments sur le sol. Il y avait aussi un bac de litière pour chats dans la cuisine et de toute évidence le bac n’avait pas été changé depuis un certain temps… il y avait de nouveau cette odeur étrange et j’ai pu voir Brandon allongé sur le futon, dans la salle de séjour principale… il était recroquevillé… face au mur. Il semblait blafard… j’ai été alarmée par ce que je voyais… sur le moment, j’ai été accablée.


191    La directrice nous a dit que Brandon était « blanc comme un linge… et catatonique ». Quand elle a essayé de parler à Brandon, il n’a pas répondu. Il avait les cheveux gras. Il dégageait des odeurs corporelles et les draps sur lesquels il était couché étaient complètement souillés.

192    Frank a maintenu que Brandon allait bien et que son comportement n’avait rien d’inhabituel. Il a appelé Cindy, qui est arrivée quelques minutes plus tard. Cindy a dit que Brandon allait bien la veille, et qu’il avait mangé, mais s’était plaint d’une douleur au côté.

193    Les services d’urgence ont été appelés, et deux ambulancier(ière)s et deux policières sont arrivés. À un moment donné, alors que les ambulancier(ière)s allaient tester la glycémie de Brandon, celui-ci s’est mis à crier et à jurer, et il a augmenté le son de la télévision. L’une des policières a demandé à Frank et à Cindy d’intervenir, mais ils n’ont rien fait. Les ambulancier(ière)s ont fini par débrancher la télévision et ont réussi à terminer leur évaluation.

194    Les deux policières ont décrit la scène en détail à nos enquêteur(euse)s, notant l’odeur nauséabonde de fumée de cigarettes et d’excréments de chats, le futon et la literie tachés de Brandon, les murs et les sols sales, les couches souillées qui étaient éparpillées un peu partout. L’une des policières a parlé de la présence de cafards, vivants et morts – « comme si quelqu’un avait marché dessus et n’avait pas nettoyé ». L’autre a dit que la grande saleté de l’appartement était inquiétante : « Je vais dans beaucoup de domiciles qui ne sont pas vraiment propres, mais je n’ai jamais vu des conditions de vie aussi effroyables pour un enfant. »

195    Les policières nous ont dit que les ambulancier(ière)s avaient suggéré d’emmener Brandon à l’hôpital, mais que Cindy avait dit qu’il y était allé la semaine précédente et qu’il n’allait pas mal. Frank avait consenti au voyage à l’hôpital, mais en entendant cela, Brandon avait ramassé une balle de base-ball et l’avait jetée sur les personnes dans la pièce. Cindy s’était mise à hurler et à jurer après Brandon, ce qui avait poussé Brandon à ramper, paniqué, entre des boîtes et le futon, en criant et en lançant tout ce qu’il pouvait attraper.

196    La travailleuse sociale de la SAE nous a dit : « Et tout cela se passe alors que les policières étaient présentes, et les ambulancier(ière)s… Alors je me suis dit, mais alors à quoi ressemble la vie quand personne n’est là? »

197    L’une des policières nous a dit qu’en raison de sa déficience visuelle, Frank ne semblait pas comprendre la situation. Cindy s’est fait un sandwich et a commenté le fait qu’il y avait à manger à la maison, et que Brandon n’était pas affamé. Il a fallu les efforts conjugués des ambulancier(ière)s et des policières pour maîtriser Brandon et l’attacher sur une civière. Selon la travailleuse sociale de la SAE et la directrice de l’école, Frank est parti aux toilettes et quand il est revenu il sentait le cannabis, puis il est monté dans l’ambulance avec Brandon.

 

Appréhension à propos de l’appréhension

198    La travailleuse sociale de la SAE a discuté de la situation avec la superviseure en service à la SAE. Elle a déclaré que la famille ne créait pas un environnement sûr pour Brandon et elle a demandé l’autorisation de l’appréhender, car elle estimait que Brandon courait un risque immédiat. La superviseure lui a dit que la SAE n’appréhenderait pas Brandon, car la SAE travaillait avec la famille, qu’il existait une ordonnance de surveillance, et que rien ne portait à croire que la famille ne veillait pas à l’intérêt véritable de Brandon.

199    Quand les policières ont entendu dire que la SAE n’appréhenderait pas Brandon, l’une d’elles a demandé à leur superviseur de les rencontrer à l’hôpital. Comme l’une nous l’a dit : « Il n’était pas question pour nous de le laisser dans cet appartement. Un point c’est tout. »

200    Avant d’arriver à l’hôpital, la travailleuse sociale a appelé la superviseure de nouveau pour faire le point sur la situation et pour répéter ses inquiétudes quant à la décision de ne pas appréhender Brandon.

 

À l’hôpital

201    L’humeur de Brandon a changé une fois qu’il est arrivé à l’hôpital. Il s’est montré bavard, souriant. Il avait très faim et a beaucoup mangé. À un moment donné, Cindy a appelé le 911, affirmant qu’elle était une aidante de l’enfant et qu’elle ne voulait pas que les médecins l’examinent.

202    Le superviseur de la police a parlé aux policières et à la travailleuse de la SAE à l’hôpital. Il a dit à la travailleuse sociale que la police appréhenderait Brandon. Il a déclaré à nos enquêteur(euse)s que cette décision découlait des conditions de vie dans l’appartement et de l’état de Brandon. Il a transmis cette information à la superviseure en service à la SAE, qui lui a dit que la SAE n’appréhenderait pas Brandon car la famille travaillait avec la SAE pour régler les problèmes, et parce qu’il y avait une ordonnance de surveillance en place.

203    Quand nos enquêteur(euse)s ont interviewé la superviseure de la SAE, elle nous a dit qu’elle ne voulait pas prendre la décision d’appréhender Brandon tant que celui-ci n’aurait pas été examiné par l’hôpital. Il n’existe aucune note contemporaine au dossier pour confirmer cette raison de ne pas approuver l’appréhension de Brandon. Ni la travailleuse sociale, ni la police ne se sont souvenues d’avoir eu cette information de la part de la superviseure.

204    La superviseure nous a dit aussi qu’il était compréhensible que les policières aient été choquées, parce qu’elles voyaient l’appartement pour la première fois, « mais mon point de vue résultait du fait que… nous étions en relation continue avec cette famille ». Elle a expliqué qu’elle ne voulait pas se retrouver dans une situation où la SAE aurait appréhendé Brandon prématurément, le tribunal le renvoyant alors quelques jours plus tard. Elle a souligné que la famille avait comparu au tribunal cinq jours auparavant, quand le juge avait probablement été informé de la situation de la famille, et aurait pu facilement ordonner que Brandon soit pris en charge au besoin.

 

Réaction à l’appréhension

205    La travailleuse sociale nous a dit que, quand Frank a appris que la police appréhendait Brandon – et que la SAE travaillerait avec lui pour nettoyer son appartement – Cindy est devenue extrêmement agitée. Selon la travailleuse sociale, Cindy était déjà « complètement hors d’elle… criant et hurlant… » et avait commencé à se frapper et à menacer de se suicider en apprenant cette nouvelle. Des gardes de sécurité avaient été appelé(e)s pour la surveiller.

206    Le médecin traitant a informé la travailleuse sociale que Brandon souffrait de malnutrition et était presque anémique, avec un faible nombre de globules rouges et un faible taux d’hémoglobine. Il pesait 15 livres de moins qu’un enfant de son âge et de sa taille, et il avait un rein hypertrophié. Un rendez-vous a été pris pour le lendemain à la clinique pédiatrique.

207    Brandon est devenu hystérique quand il a appris qu’il ne rentrerait pas chez lui. Les policières se sont souvenues qu’il leur avait dit que, selon sa mère, de mauvaises choses arrivaient aux petits garçons dans les foyers d’accueil. Elles ont porté Brandon de l’hôpital jusqu’à la voiture de la travailleuse sociale, l’ont attaché par la ceinture de sécurité sur un siège arrière de l’auto, et l’une des policières s’est assise à côté de lui en route pour le foyer d’accueil. Brandon a été placé chez un couple qui avait de l’expérience dans la garde d’enfants souffrant de traumatismes et de déficiences intellectuelles.

 

Les répercussions

208    Le lendemain de l’appréhension, la travailleuse sociale a rencontré Brandon à la clinique pédiatrique d’un hôpital, en compagnie de Frank, de Cindy et des parents d’accueil. Elle a constaté que l’enfant était propre, plein d’énergie, dynamique et heureux. Il communiquait avec ses parents d’accueil, souriait et interagissait bien avec Cindy et Frank. Mais Cindy et Frank étaient en colère contre la travailleuse sociale, et Frank s’est emporté contre un étudiant en médecine qui s’enquérait des antécédents médicaux de Brandon.

209    Le médecin traitant de la clinique a signalé que les intestins de Brandon étaient gravement bloqués, ce qui provoquait des douleurs et une perte d’appétit. Un échantillon d’urine, obtenu par le père d’accueil de Brandon, a révélé que l'enfant souffrait aussi d’une infection rénale. Le même jour, la pédiatre de Brandon a dit aussi à la travailleuse sociale que la santé et la sécurité de l’enfant l’inquiétaient depuis longtemps. Elle a déclaré que Brandon avait des cicatrices rénales dues à une rétention d’urine et de selles, ce qui pouvait entraîner la nécessité de dialyse et pouvait mettre sa vie en danger. Elle a déclaré qu’elle l’avait dit plusieurs fois à Cindy et à Frank. Elle a remercié la travailleuse sociale d’avoir fondamentalement sauvé la vie de Brandon.

210    Le 24 octobre, Frank et Cindy se sont rendus à l’école de Brandon. La directrice nous a dit que Frank sentait l’alcool, semblait échevelé, et qu’il avait tenté de « l’intimider » en la menaçant de poursuites judiciaires. Elle a appelé la SAE pour le signaler et un superviseur de la SAE lui a dit que la SAE comptait recommander que Brandon soit remis à la garde de Frank dans quelques jours. La directrice a dit au superviseur qu’elle lui transmettrait ses préoccupations par écrit. Elle a déclaré à nos enquêteur(euse)s qu’elle craignait que Brandon ne meure s’il était renvoyé au domicile familial. Elle a ajouté qu’elle ne voulait pas voir l’enfant « emmené dans un sac mortuaire la prochaine fois que cela se produirait. »

211    Le 25 octobre, la directrice de l’école a communiqué d’autres renseignements à la SAE, écrivant ceci, entre autres :

Je tiens à exprimer mes inquiétudes extrêmes quant à la sécurité de Brandon s’il est de nouveau confié à la garde de… son grand-oncle. J’ai observé Brandon à mon école au cours des six dernières semaines et je suis gravement préoccupée du fait qu’il est si amaigri, a constamment faim, est léthargique durant la journée scolaire, manque de propreté et d’hygiène, et qu’il est fréquemment absent de l’école. J’ai fait part de ces préoccupations à sa travailleuse sociale à maintes reprises…


212    Le superviseur de la SAE a répondu par téléphone et a dit à la directrice de l’école que la SAE allait probablement recommander que Brandon ne soit pas confié de nouveau à la garde de Frank. La SAE a demandé une ordonnance au tribunal pour que Brandon soit confié temporairement à ses soins et à sa garde, en citant les événements des deux mois précédents.

213    Les policières qui étaient présentes lors de l’appréhension de Brandon se sont fait un devoir d’être au tribunal pour la demande de la SAE le 26 octobre, mais elles n’ont pas été autorisées à assister à la procédure à huis clos.

214    Le tribunal a confié Brandon aux soins et à la garde temporaires de la SAE et a reporté l’affaire au 20 novembre. Le juge a souligné que cela donnerait le temps à Frank de nettoyer son appartement, pendant que Brandon resterait avec sa famille d’accueil.

215    La SAE a désigné une nouvelle travailleuse des services aux familles, la travailleuse précédente continuant d’agir en tant que travailleuse des services à l’enfance au nom de Brandon. Au cours des semaines suivantes, la SAE a continué de s’efforcer de réunir la famille, mais une évaluation préparée par la travailleuse des services à l’enfance à la mi-novembre qualifiait le risque de le faire de « très élevé ».

216    Le 21 décembre, Brandon a été évalué par un psychiatre, qui a constaté que Brandon était gravement traumatisé. Il a recommandé que Cindy et Frank n’assistent pas aux rendez-vous avec Brandon. Cindy et Frank ont tous deux maintenu que Brandon était en bonne santé avant d’être confié à la garde de la SAE, et que la situation avait été orchestrée pour leur enlever Brandon. Ils ont gardé le droit de visites hebdomadaires avec Brandon.

217    Nos enquêteur(euse)s ont rencontré les parents d’accueil de Brandon pour la première fois en avril 2019. Les parents nous ont dit qu’au cours des six premiers mois de leur prise en charge de Brandon, ses soins d’hygiène s’étaient améliorés et qu’il avait réappris la propreté. Il avait bon appétit et avait grossi. Les parents s’étaient occupés de ses besoins dentaires et médicaux, notamment grâce à de nombreuses visites pour régler ses problèmes de reins, de vessie, de constipation, incluant une intervention chirurgicale pour soulager les douleurs urinaires dont Brandon souffrait depuis des années en raison d’une rétention d’urine. De plus, les parents collaboraient avec la SAE pour obtenir un counseling en santé mentale et des soins d’ergothérapie pour Brandon. Brandon allait régulièrement à l’école, ses compétences et ses notes avaient progressé. Sa mère d’accueil nous a dit qu’il était transformé, « d’un enfant qui ne voulait pas vivre, à un enfant qui aime vivre ».

218    Le 18 novembre 2020, le tribunal a ordonné que Brandon soit confié à la garde prolongée de la SAE, où il est encore. Sa mère et son grand-oncle continuent de bénéficier d’un droit de visite.

 

Non-respect des normes de la protection de l’enfance

219    L’histoire de Brandon aurait pu être très différente si la police ne l’avait pas appréhendé pour sa protection le 22 octobre 2018. Ses douleurs physiques et ses traumatismes auraient pu être soulagés beaucoup plus tôt si la SAE était intervenue plus rapidement pour régler sa situation. Brandon n’a pas été victime de maltraitance délibérée, et les dossiers indiquent qu’il était proche de sa mère et de son grand-oncle. Cependant, Cindy n’était pas en mesure de s’occuper de lui, et avec le temps, la capacité de Frank à prendre soin de Brandon s’est trouvée gravement compromise. Cindy et Frank ont clairement montré qu’ils étaient incapables de suivre les recommandations concernant les besoins médicaux et éducatifs de Brandon. Pourtant, la SAE a qualifié la famille de coopérative et a laissé Brandon vivre dans des conditions de négligence chronique.

220    Les Normes de la protection de l’enfance en Ontario ont été établies pour guider les sociétés d’aide à l’enfance ainsi que pour contribuer à promouvoir des services de haute qualité constante et veiller à ce que les soins soient axés sur l’intérêt véritable de l’enfant. Malheureusement, dans le cas de Brandon, la SAE a omis à maintes reprises de respecter les exigences fondamentales établies par ces normes.

 

Enquêtes et évaluations de sécurité en temps opportun

221    Les règlements pris en application de la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille stipulent que les sociétés d’aide à l’enfance doivent veiller à ce que, durant les enquêtes entreprises, certaines étapes d’investigation sont réalisées conformément aux Normes de la protection de l’enfance en Ontario[16]. Par exemple, des évaluations de sécurité doivent être effectuées lors de la première rencontre avec l’enfant, dans le délai d’exécution donné. Les Normes de la protection de l’enfance en Ontario soulignent qu’il est extrêmement important de commencer et de terminer en temps voulu les enquêtes sur la protection de l’enfance et les évaluations de sécurité. Conformément à la Norme 3, des évaluations de sécurité doivent avoir été effectuées dans les sept jours, lorsqu’aucune menace immédiate n’est identifiée[17]. Conformément à la Norme 5, les enquêtes devraient être conclues dans les 45 jours – ou dans les 60 jours dans certaines circonstances, mais uniquement avec l’approbation d’un(e) superviseur(e)[18]. La politique de la SAE en vigueur à l’époque exigeait que les enquêtes soient terminées dans les 30 jours. Dans le cas de Brandon, la SAE n’a pas respecté ces normes à plusieurs reprises.

222    Le 31 décembre 2015, la police a signalé pour la première fois à la SAE qu’elle s’inquiétait du manque de propreté du domicile, et que l’appartement ne convenait pas à un enfant. Ce signalement a déclenché une enquête. La SAE a fixé un délai d’exécution à sept jours et a nommé une enquêteuse cinq jours plus tard. Mais le premier appel passé par la travailleuse de la SAE pour joindre Frank est resté sans réponse, le 6 janvier 2016. Le lendemain, la travailleuse sociale a appris que Frank avait subi une crise cardiaque. La SAE ne savait pas où résidait Brandon alors, et la travailleuse n'a pas réussi à voir Cindy lorsqu’elle a fait une visite inopinée à son domicile le 8 janvier. Bien que la travailleuse sociale n’ai pas eu la moindre idée où se trouvait Brandon, elle n’a fait aucune tentative pour le rencontrer à l’école. Le premier contact avec la famille n’a eu lieu que lorsque Frank a appelé la travailleuse sociale le 11 janvier, et la première visite à domicile a eu lieu le 14 janvier – soit deux semaines après le signalement de la police à la SAE.

223    De plus, la travailleuse sociale n’a pas effectué d’évaluation de sécurité avant le 14 janvier, soit plus d’une semaine après la norme prescrite. Elle a dit à nos enquêteur(euse)s qu’elle savait que des efforts devaient être faits pour voir la famille dans les sept jours.

224    Quand la SAE a reçu le premier de plusieurs rapports provenant de responsables de l’école à propos de problèmes d’hygiène de Brandon, de ses comportements et de son manque assiduité, le 2 juin 2016, la SAE a de nouveau tardé à réagir. Le dossier n’a été confié à une travailleuse en vue d’une enquête que le 14 juin, soit 12 jours après le délai d’exécution de sept jours requis par la Norme 1. La travailleuse sociale n’a tenté de contacter Brandon que deux semaines plus tard, le 23 juin. Après plusieurs tentatives infructueuses faites pour le joindre à l’école, sa première rencontre avec Brandon a eu lieu le 16 août – soit 75 jours après le premier appel à la SAE concernant son bien-être.

225    Bien qu’un superviseur ait noté dans un journal des contacts que l’évaluation de sécurité et le début de l’enquête n’étaient pas conformes à la norme, une dérogation à la norme n’a été demandée que le 12 août, soit plus de deux mois après le signalement à la SAE. L’enquête n’a été fermée que le 20 septembre 2016 – 110 jours après son ouverture, et bien au-delà de la limite imposée par la Norme 5 et la propre politique de la SAE. Il n’y a eu ni approbation formelle de cette dérogation à la norme, ni explication documentée de ce retard.

226    Le 7 octobre 2016, la SAE a reçu un nouveau signalement de l’école de Brandon. Le 14 octobre, elle a confié le dossier à la travailleuse sociale qui avait mené l’enquête précédente. La travailleuse sociale n’a tenté d’effectuer une évaluation de sécurité que le 31 octobre – 24 jours après la réception du signalement à la SAE, et bien au-delà du délai imposé par la Norme 3. La travailleuse sociale a dit à nos enquêteur(euse)s qu’elle comprenait que la réunion avec Brandon et sa famille aurait dû avoir lieu dans les sept jours, mais elle n’a pas pu expliquer le retard. Ce n’est que le 6 mars 2017 que la SAE a déterminé que l’allégation était vérifiée. L’enquête durait alors depuis 150 jours – soit plus du double de la durée prévue par la Norme 5, et bien au-delà de tout délai autorisé pour une dérogation à la norme.

227    Un sentiment de complaisance plutôt que d’urgence semble caractériser ces trois enquêtes – du retard initial dans l’attribution des cas sur lesquels enquêter, jusqu’aux retards pour rencontrer Brandon et sa famille, et aux retards dans l’achèvement des enquêtes. L’absence d’intervention en temps voulu ne reflète pas forcément une méconnaissance des exigences des normes et de la politique de la SAE. Les travailleuses qui ont mené les enquêtes nous ont dit qu’elles savaient qu’elles devaient s’efforcer de rencontrer l’enfant et sa famille dans un délai de sept jours. Cependant, aucun effort majeur n’a été fait pour répondre à cette attente. L’étape cruciale qui consiste à rencontrer rapidement l’enfant et à évaluer sa sécurité a été reléguée au second plan pour des raisons de commodité. Pour éviter des retards similaires à l’avenir, la SAE devrait enjoindre au personnel de s’assurer que les évaluations de sécurité et les enquêtes sont entamées et terminées conformément aux exigences réglementaires, aux Normes de la protection de l’enfance en Ontario, et à sa propre politique.

 
Recommandation 1

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de respecter les exigences réglementaires, des Normes 1, 3 et 5 de la protection de l’enfance en Ontario, et de sa propre politique concernant l’ouverture et l’achèvement des enquêtes et des évaluations de sécurité en temps opportun.


 

Enquêtes sur les nouveaux signalements

228    Conformément à la Norme 7, lorsqu’une société d’aide à l’enfance reçoit un nouveau signalement sans lien avec un incident ou une situation pour lequel une famille reçoit déjà des services, la Norme 1 s’applique. Dans de telles circonstances, la Norme 1 exige une évaluation et une détermination distinctes de la disposition appropriée à prendre concernant le signalement. Si le nouveau signalement est lié à un incident connu ou à une situation connue, il n’y a pas de nouvelle enquête, mais le(la) travailleur(euse) doit en discuter avec la famille à la prochaine occasion possible.

229    La Société d’aide à l’enfance de Toronto a reçu plusieurs signalements à propos de Brandon qu’elle n’a pas considérés comme des signalements nouveaux, ou justifiant une évaluation supplémentaire en vertu de la Norme 1. Sa réaction à une série de signalements reçus en 2017 semble inférieure au niveau de service envisagé par les normes.

230    Le 26 avril 2017, alors que la SAE enquêtait sur le signalement fait par l’école de Brandon concernant les problèmes d’hygiène et d’assiduité de l’enfant, elle a reçu un autre signalement du directeur adjoint à propos de la santé mentale de Brandon et d’un incident d’idées suicidaires. Il n’existe aucune trace d’un suivi auprès de la famille, ni d’une tentative d’interviewer Brandon après cet incident.

231    Un mois plus tard, la pédiatre de Brandon a dit à une travailleuse sociale de la SAE que des preuves indiquaient que Brandon avait des lésions rénales, et qu’il avait un besoin urgent de soutien en santé mentale, ainsi que d’une autre option de placement. Elle a aussi déclaré que Frank avait du mal à prononcer ses mots. Apparemment, il n’y a pas eu de suivi concret de ces allégations.

232    La SAE a encore reçu un autre signalement le 15 novembre 2017, de la part d’un appelant anonyme qui faisait état de ses préoccupations au sujet de la consommation d’alcool de Frank, de l’état de l’appartement où vivait Brandon, et du comportement de sa mère envers lui. La travailleuse sociale et son superviseur ont déterminé que ces préoccupations étaient similaires à celles dont la SAE avait déjà connaissance, et qu’elles n’exigeaient donc pas d’enquête. Le superviseur nous a dit qu’à la suite de cet appel, il avait demandé à une travailleuse sociale de se rendre au domicile de la famille, pendant que la travailleuse sociale habituellement chargée du dossier était en vacances. Cependant, il n’existe aucune trace de cette visite, pas plus que d’une discussion de la situation avec Frank jusqu’au 29 novembre 2017, soit deux semaines environ après le signalement anonyme.

233    Ces trois signalements semblent avoir soulevé de nouvelles inquiétudes à propos de la santé mentale de Brandon et de la capacité de Frank à s’occuper de lui. Le signalement fait par le directeur adjoint aurait dû inciter la SAE à envisager une autre enquête de protection de l’enfance. Les préoccupations exprimées par la pédiatre quant aux facultés possiblement affaiblies de Frank n’ont pas été prises en compte. Enfin, la SAE aurait dû agir rapidement face aux graves allégations faites par l’appelant anonyme.

234    Conformément à la Norme 7, le personnel de la SAE devrait examiner attentivement les signalements reçus dans le cadre de la gestion continue des cas et y donner suite rapidement, notamment en envisageant une enquête distincte, au besoin.

 
Recommandation 2

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de se conformer à la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant l’évaluation des signalements reçus durant la gestion des cas en cours.


 

Conduite des entrevues en privé

235    Conformément à la Norme 2, et aux conseils pratiques qui l’accompagnent, les entrevues faites durant les enquêtes devraient être menées individuellement avec les membres de la famille, y compris avec les enfants concerné(e)s. Cette directive est logique pour plusieurs raisons. Les témoins ont ainsi la possibilité de parler franchement, et les risques que la présence d’autres personnes influence leur témoignage s’en trouvent atténués. De plus, elle restreint leur possibilité d’adapter leur témoignage et aide les travailleur(euse)s à évaluer la crédibilité des témoins.

236    Durant les enquêtes de la SAE sur le bien-être de Brandon, les travailleur(euse)s ont systématiquement interviewé les membres de la famille en groupe, plutôt qu’individuellement, et ont fait peu d’efforts pour interviewer Brandon hors de son domicile. Le 14 janvier 2016, la travailleuse sociale a rencontré Cindy, Frank et Brandon pour enquêter sur le signalement fait par la police concernant les conditions de vie dans l’appartement de Cindy et l’état du domicile de Frank. Durant l’enquête du 2 juin 2016 sur la plainte faite par l’école concernant l’hygiène, le comportement et le manque d’assiduité de Brandon, la travailleuse sociale a vu Brandon pour la première fois le 16 août 2016, soit deux mois après le début de l’enquête. Elle a discuté de la situation avec Cindy, Frank et Brandon ensemble, notant par la suite que Brandon refusait d’établir un contact visuel ou de répondre à toute question.

237    Le fait que la SAE n’a pas respecté la Norme 2 et a mené des entrevues collectives avec les membres de la famille durant plusieurs enquêtes pourrait bien avoir compromis la fiabilité des renseignements recueillis par elle. Cela devrait rappeler au personnel l’importance d’effectuer des entrevues en privé. Cela devrait aussi inciter le personnel à explorer d’autres options que les entrevues à domicile, surtout avec les enfants, pour que le processus se déroule davantage dans la confidentialité et dans l’ouverture.

 
Recommandation 3

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre au personnel de se conformer à la Norme 2 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant les entrevues en privé des membres de la famille.

 
Recommandation 4

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel d’envisager d’interviewer les membres de la famille, et surtout les enfants, hors du domicile si cela permet de préserver la confidentialité et d’encourager une communication plus ouverte.


 

Mettre l’accent sur l’enfant : le Principe de Katelynn

238    Katelynn Sampson, âgée de 7 ans, est morte tragiquement en 2008, des mains des personnes qui en avaient la garde. L’enquête sur son décès a révélé qu’elle n’avait jamais été interviewée en privé pendant toute la prestation des services de protection de l’enfance, ni pendant les procédures devant la Cour de la famille. La première recommandation du jury d’enquête est devenue connue sous le nom de « Principe de Katelynn ». Elle affirme que les enfants doivent être au centre de l’attention quand ils(elles) reçoivent des services de protection de l’enfance, de justice et d’éducation. La Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille, et les Normes de la protection de l’enfance en Ontario, reflètent ce principe. La Norme 7 stipule que les enfants qui reçoivent des services continus doivent être interviewés en privé tous les 30 jours. Dans le cas de Brandon, les personnes qui travaillaient à son cas ne l’ont généralement pas rencontré en privé, et les responsables de la supervision ont approuvé régulièrement des dérogations à la norme, la raison habituelle donnée étant que Brandon refusait de parler à une travailleuse sociale.

239    La travailleuse sociale affectée à l’enquête d’octobre 2016 a rencontré Brandon à l’école le 31 octobre, mais il n’a pas répondu à ses tentatives d’ouverture. Elle n’a pas essayé à nouveau de le rencontrer en privé pendant plus de six mois durant lesquels ce dossier lui a été confié. Après le transfert du dossier aux services continus en mai 2017, la nouvelle travailleuse sociale a effectué six visites à domicile, mais elle n’a jamais rencontré Brandon en privé. Il n’existe aucun document pour confirmer si ces manquements à la norme ont été approuvés par un superviseur, ou quelles raisons ont été données.

240    Le 5 janvier 2018, une travailleuse sociale a demandé une dérogation à l’exigence d’une entrevue en privé avec Brandon, mais on ignore si cette demande a été approuvée ou non. La travailleuse sociale n’a pas rencontré Brandon lors des visites à domicile en avril, juin et juillet, et personne n’a rencontré Brandon ou sa famille entre le 18 juillet et octobre 2018.

241    Lors de nos entrevues avec les travailleuses de la SAE, elles ont souligné que Brandon refusait de leur parler. Le superviseur que nous avons interrogé a confirmé qu’il approuvait régulièrement des dérogations aux normes pour cette raison. Il nous a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir discuté d’options de stratégies avec les travailleuses pour surmonter ce problème, mais il a déclaré ceci en rétrospective :

Nous savons combien la voix des enfants est importante. C’est le Principe de Katelynn. Et bien que Brandon ait refusé de rencontrer [une travailleuse] et bien que [celle-ci] ait eu beaucoup d’expérience avec les enfants, il aurait fallu faire une pause. Il est difficile de savoir exactement quand la voix de Brandon a été entendue dans cette affaire.


242    Brandon n’était ni un bébé, ni un enfant qui ne savait pas parler. Sa pédiatre a fait remarquer qu’il était plus bavard lorsqu’elle le rencontrait seul, et qu’il avait noué des relations avec plusieurs responsables scolaires. La SAE aurait dû au moins essayer différentes stratégies pour encourager Brandon à rencontrer les travailleuses en privé, y compris dans d’autres contextes. La SAE a fait peu d’efforts véritables pour établir une relation individuelle de confiance avec Brandon, ce qui a considérablement limité la compréhension de la situation par la SAE. La SAE s’est fortement appuyée sur les commentaires de la mère et du grand-oncle de Brandon à propos de sa conduite, ses préférences et ses sentiments.

243    Frank et Cindy exerçaient de fortes influences sur la vie de Brandon. Il est raisonnable de présumer que leur présence a eu une incidence sur la façon dont Brandon percevait les travailleuses de la SAE et interagissait avec elles. Frank et Cindy ont souvent manifesté leur colère et leur frustration face à l’intervention de la SAE, et il est compréhensible que Brandon ait pu craindre de parler en leur présence.

244    Une travailleuse sociale nous a dit que durant l’année où elle s’était occupée de la famille, elle n’avait jamais eu de conversation avec Brandon, pas même une phrase. Elle le voyait toujours en compagnie de ses aidant(e)s et elle n’a jamais essayé de le rencontrer à l’école, ni tenté d’autres approches. Elle a dit que Brandon avait peur d’elle, et elle a laissé entendre que Frank et Cindy avaient dit à l’enfant que la SAE était là pour l’emmener. Finalement, le 21 décembre 2018, un psychiatre a constaté que Brandon était profondément traumatisé et a recommandé que sa mère et son grand-oncle n’assistent plus aux séances avec lui.

245    La norme exigeant que les entrevues avec les enfants se déroulent en privé a été établie pour une bonne raison – pour s’assurer que les voix des enfants sont écoutées. Brandon montrait de la réticence à parler avec le personnel de la SAE, qui ne l’a pas interrogé en privé durant plusieurs années, et plusieurs enquêtes, avec l’intervention successive de plusieurs travailleuses et superviseurs. Plutôt que d’accorder systématiquement des dérogations à la norme, la SAE aurait dû s’efforcer d’élaborer et d’appliquer d’autres stratégies pour établir des rapports avec Brandon et pour l’encourager à parler librement. La SAE devrait enjoindre à son personnel de se conformer à la norme, et veiller à ce que son personnel reçoive une formation adéquate aux méthodes et aux stratégies permettant de surmonter la résistance des enfants aux rencontres en privé. Enfin, la SAE devrait informer les tribunaux qui supervisent la protection de l’enfance dans les cas où il n’y a pas eu de visites en privé, et où la voix de l’enfant n’a pas été écoutée.

 
Recommandation 5

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre au personnel de se conformer à la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario, exigeant que les travailleur(euse)s rencontrent les enfants en privé, et promouvoir l’adoption de stratégies et d’approches alternatives pour encourager les enfants à communiquer avec les travailleur(euse)s en privé.

 
Recommandation 6

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait former son personnel à des méthodes et des stratégies d’entrevues avec les enfants qui favorisent la coopération et réduisent la résistance.

 
Recommandation 7

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre au personnel de planifier et d’élaborer des stratégies pour les situations où un(e) enfant a des réticences à participer à une entrevue durant une enquête, et documenter en détail ses tentatives pour rencontrer les enfants en privé, ainsi que les stratégies employées.

 
Recommandation 8

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait s’assurer que, durant les procédures qui sont en cours en matière de protection de l’enfance, les tribunaux sont informés de l’absence de visites en privé avec un(e) enfant, en incluant les raisons de cette omission.


 

Plans de services

246    Quand une SAE conclut une enquête, constate qu’un(e) enfant a besoin de protection, et ouvre un dossier pour des services continus, le(la) travailleur(euse) social(e) doit élaborer un plan de services dans les 30 jours. La Norme 7 exige qu’un plan de services comprenne des activités, des objectifs et des échéanciers spécifiques, et qu’il soit réexaminé et évalué tous les six mois.

247    Le cas de Brandon a été transféré à des services continus en mars 2017, mais aucun plan de services n’a été préparé dans le délai de 30 jours imposé par la norme.

248    La SAE a finalement créé un premier plan de services le 5 mai 2017, soit un jour avant que le tribunal ne rende une ordonnance de surveillance temporaire. Le plan de services versé au dossier reflète en grande partie les conditions de cette ordonnance. Il indique des échéances pour la réalisation des objectifs et identifie les membres de la famille concerné(e)s, mais ne dit pas qui est responsable d’atteindre ces objectifs. La travailleuse sociale a revu le plan de services trois mois plus tard pour ajouter des objectifs concernant Brandon, mais sans aucune indication quant à la façon dont ils seraient mesurés ou atteints. La travailleuse nous a dit qu’elle n’avait jamais discuté de plans de services avec la famille. Elle lui parlait simplement de façon informelle des attentes envers la famille.

249    Le premier examen semestriel a eu lieu avec presque un mois de retard, le 4 décembre 2017. La travailleuse a indiqué des progrès « corrects » et « bons » dans la réalisation des objectifs de services – mais cela semble incompatible avec d’autres commentaires faits dans le même rapport. Par exemple, la travailleuse a noté qu’il y avait des progrès sur le plan de l’hygiène de Brandon, mais la partie concernant la réussite scolaire indiquait qu’il avait encore des problèmes de propreté personnelle.

250    La travailleuse sociale n’a pas effectué l’examen semestriel suivant, qui devait avoir lieu le 5 juin 2018. Elle a dit à nos enquêteur(euse)s qu’elle était consciente de cette exigence, mais qu’elle l’avait négligée. Elle a précisé que son superviseur ne lui avait jamais demandé de faire un plan, et qu’elle n’avait jamais demandé de dérogation à la norme. L’examen semestriel suivant n’a eu lieu qu’en novembre – et à cette époque, Brandon était en famille d’accueil.

251    De toute évidence, la famille a fait peu de progrès pour répondre aux besoins de Brandon de décembre 2015 à octobre 2018. Se souvenant de plus d’un an d’observation des problèmes psychologiques de Brandon, une travailleuse nous a dit : « Il avait fait peu de progrès. Et quand il y avait des progrès, ils étaient très, très lents, et je pense, je savais que cela n’était pas bon du tout pour Brandon. » Elle s’est souvenue « de hauts et de bas » quant à la propreté de l’appartement, et d’un manque de suivi des besoins médicaux de Brandon. Elle a admis ceci rétrospectivement : « Apparemment nous avons laissé tomber la famille… »

252    Le superviseur de la travailleuse a également reconnu qu’il ignorait tout d’une quelconque conversation entre la travailleuse et l’école au sujet des progrès de Brandon, et que rien dans le dossier ne portait à croire que la famille répondait aux besoins médicaux de Brandon.

253    Si la SAE avait veillé à l’élaboration de plans de services en temps voulu, avec des objectifs, des activités et des échéanciers concrets, cela aurait pu aider les travailleuses à surveiller efficacement les progrès de la famille et à cerner les lacunes dans sa capacité à répondre aux besoins de Brandon. La SAE devrait donner des directives au personnel au sujet des exigences de la Norme 7 pour les plans de services. À titre de précaution supplémentaire et de pratique exemplaire, la SAE devrait s’assurer spécifiquement que ses superviseur(e)s examinent les plans de services pour vérifier qu’ils sont complets et conformes aux exigences pertinentes établies par la Norme 7.

 
Recommandation 9

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de se conformer à la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant le calendrier, l’achèvement, l’examen et la révision des plans de services, ainsi qu’aux obligations d’inclure des buts, objectifs et activités spécifiques, avec référence aux personnes responsables et aux délais d’exécution.

 
Recommandation 10

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre spécifiquement aux superviseur(e)s d’examiner les plans de services pour s’assurer qu’ils sont complets et conformes aux exigences de la Norme 7.


 

Visites régulières

254    La Norme 7 exige qu’un(e) travailleur(euse) de la Société d’aide à l’enfance visite les familles qui reçoivent des services continus une fois tous les 30 jours. Quand un cas est confié à un(e) nouveau(elle) travailleur(euse), la Norme 6 exige une « visite de transfert » au cours de laquelle l’ancien(ne) travailleur(euse) et le(la) nouveau(elle) rencontrent la famille. Dans le cas de Brandon, la SAE n’a pas respecté systématiquement les normes relatives aux visites.

255    Quand la SAE a transféré le cas de cette famille aux services continus, en mars 2017, elle aurait dû faire une visite à domicile. À cette époque, personne à la SAE n’avait vu Brandon depuis octobre 2016. En mai 2017, il aurait dû y avoir une visite officielle de transfert, comme l’exige la Norme 6. Mais les deux travailleuses sociales ont simplement rencontré divers responsables de la santé communautaire et de l’école le 18 mai, en l’absence de la famille, et la nouvelle travailleuse sociale n’a pas programmé de visite à domicile dans les 30 jours suivant la visite précédente. Sa première visite à domicile a eu lieu le 1er juin, mais Brandon n’était pas présent, et elle ne l’a pas vu avant le 15 juin.

256    La visite de septembre 2017 a été retardée de plus de deux semaines en raison de l’absence de la travailleuse sociale, si bien que Brandon n’a pas été observé pendant 48 jours. Un superviseur a approuvé une dérogation à la norme en raison de l’indisponibilité de la travailleuse sociale, plutôt que dans l’intérêt véritable de Brandon. La visite de novembre 2017 a également été retardée de trois jours.  

257    La visite à domicile qui aurait dû avoir lieu le 28 décembre 2017 a été reportée au 5 janvier 2018. Il n’existe aucune documentation pour une dérogation concernant ce retard.  

258    Durant sa réunion du 1er février 2018 avec la famille, la travailleuse a programmé la visite suivante pour le 7 mars 2018, soit au-delà du délai prévu de 30 jours. Elle a envoyé un courriel à son gestionnaire pour l’informer qu’elle serait en vacances du 19 au 28 février.

259    Après une visite à domicile le 5 avril 2018, la travailleuse sociale a programmé la visite suivante pour le 17 mai, au-delà du délai prévu de 30 jours, précisant qu’elle serait en vacances. La visite a ensuite été annulée pour des raisons personnelles, et remise au 31 mai – si bien que la SAE n’a ni observé ni rencontré aucun(e) membre de la famille pendant 56 jours.

260    La SAE a complètement négligé les visites à domicile du 18 juillet au 4 octobre 2018. L’une a été annulée parce que Brandon avait un rendez-vous médical, puis la travailleuse sociale a été en congé de maladie. L’absence de toute surveillance sur ce qui arrivait à Brandon durant une si longue période était inexcusable, et clairement contraire à son intérêt véritable.

261    Quand nos enquêteur(euse)s l’ont interrogée sur un retard de plus de 30 jours pour une visite à Brandon, une travailleuse sociale a fait ce commentaire :

« Les normes sont de très bonnes normes, mais les familles sont humaines, pas vrai?... On ne veut jamais être autoritaire… envers une famille et on essaie de coopérer et d’appuyer la famille… à moins d’une préoccupation immédiate… »


262    Une attitude aussi laxiste à l’égard des normes de visites aux familles est troublante. Comme le montre le cas de Brandon, la situation des enfants peut changer considérablement entre les visites. La SAE devrait sensibiliser son personnel à l’importance de garder le contact avec les familles pour suivre constamment l’évolution de la situation des enfants pris(es) en charge.

 
Recommandation 11

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de se conformer aux Normes 6 et 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario en effectuant en temps voulu des visites mensuelles et des visites de transfert avec les familles.


 

Dérogations aux normes

263    Les Normes de la protection de l’enfance en Ontario tiennent compte des circonstances uniques des cas individuels en autorisant des dérogations aux normes dans certaines situations. Il incombe aux superviseur(e)s de « faire en sorte que toute dérogation aux normes permette d’accroître la sécurité de l’enfant et/ou de mieux répondre aux besoins particuliers de l’enfant et de la famille »[19]. Les superviseur(e)s doivent également s’assurer que toute documentation concernant les cas de protection de l’enfance est faite en temps voulu, complète et exacte[20].

264    Dans le cas de Brandon, la SAE n’a pas respecté les normes à de multiples reprises. Parfois, il n’existait pas d’approbation officielle d’une dérogation aux normes; parfois encore, un superviseur approuvait les dérogations avec retard, ou sans justification claire ni souci de l’intérêt véritable de Brandon.

265    Dans un cas particulièrement flagrant, le 12 août 2016, un superviseur a approuvé un retard dans la réalisation d’une évaluation de sécurité, alors que l’enquête était en instance depuis 59 jours. Dans un autre cas, l’enquête faisant suite au signalement du 7 août 2016 par l’école de Brandon a duré 150 jours, mais aucune approbation de dérogation officielle n’a été enregistrée. De plus, il n’y a pas eu d’approbation de dérogation pour l’absence de plan de services en mars 2017, ni pour l’absence de visite de transfert en mai 2017.

266    Il y a eu de nombreuses demandes et approbations de dérogations concernant les visites mensuelles et les entrevues en privé avec Brandon. Cependant, le 14 septembre 2017, une dérogation a été accordée plusieurs jours après la date prévue de la visite, et la raison donnée était que la travailleuse sociale avait été appelée à faire partie d’un jury. La raison invoquée pour renoncer à cette visite n’était pas centrée sur l’enfant, et rien n’indiquait pourquoi aucune autre travailleuse n’avait été envoyée en remplacement sur les lieux.

267    La SAE a souvent invoqué la réticence de Brandon à parler avec les travailleuses sociales pour justifier des dérogations à la norme exigeant qu’il soit interviewé en privé. Parfois, ces dérogations n’étaient ni officiellement demandées, ni officiellement approuvées, et parfois elles étaient approuvées rétroactivement. Les raisons des approbations n’étaient généralement pas centrées sur l’enfant, mais résultaient d’un processus standard utilisé pour des raisons de commodité.

268    Les dérogations aux normes de visites ont considérablement augmenté dans les mois précédant l’appréhension de Brandon. Le 5 janvier 2018, une semaine après la date prévue pour une visite à domicile et une entrevue en privé avec Brandon, une travailleuse sociale a indiqué dans le dossier de la SAE qu’une dérogation à la norme exigeant une entrevue en privé avait été approuvée. Cependant, il n’existe aucune trace d’approbation par un superviseur pour une dérogation à une entrevue en privé ou pour une visite retardée.

269    Le 2 février 2018, une travailleuse sociale a de nouveau inscrit une dérogation approuvée par rapport à la norme exigeant une visite mensuelle et une entrevue en privé, précisant que la visite tomberait un jour férié – mais il n’existe aucune trace d’approbation par un superviseur. Le 8 mars 2018, un superviseur a approuvé une dérogation, mais plusieurs jours après la date à laquelle une entrevue en privé aurait dû avoir lieu. Le 27 avril 2018, une dérogation à la visite mensuelle a été accordée car la travailleuse sociale était en vacances. Rien n’indique que le superviseur ait pris en compte l’intérêt véritable de Brandon en approuvant cette dérogation, et rien n’explique pourquoi une autre travailleuse n’a pas été envoyée faire cette visite. Le 1er juin 2018, une autre dérogation a été approuvée au motif que Brandon ne répondrait pas à la travailleuse sociale, mais c’était presque deux semaines après qu’une entrevue en privé aurait dû avoir lieu.

270    Le 17 juillet 2018, une approbation similaire a été approuvée. Le 13 août 2018, des dérogations ont été accordées pour permettre à la travailleuse d’effectuer une visite mensuelle et une entrevue en privé avec Brandon avec quelques jours de retard. Par la suite, la visite a été repoussée, puis annulée, et une autre dérogation a été approuvée le 27 août.

271    Le 1er octobre 2018, une dérogation à la norme de visite mensuelle et d’entrevue en privé a été approuvée, car la travailleuse sociale était en congé de maladie depuis août. Le superviseur a inscrit au dossier qu’il ne croyait pas logique d’envoyer une autre travailleuse à sa place. Cette dérogation a été datée rétroactivement du 4 septembre. Le 15 octobre 2018, une autre dérogation a été approuvée, plusieurs jours après qu’une entrevue aurait dû avoir lieu. À ce stade, il n’y avait pas eu de visite à domicile depuis trois mois. Il est difficile de comprendre comment ce retard important concernant les visites à la famille et l’observation de Brandon pourrait être considéré comme étant dans l’intérêt véritable de l’enfant.

272    Bien qu’une certaine souplesse s’impose dans l’application des Normes de la protection de l’enfance en Ontario, les circonstances dans lesquelles des dérogations sont demandées et autorisées devraient être examinées avec beaucoup d’attention. Toutes les demandes et approbations de dérogations devraient se faire en temps opportun. Les approbations de dérogations ne devraient pas devenir des étapes procédurales pro forma, et les raisons données pour ces dérogations devraient être complètes et refléter clairement l’intérêt véritable de l’enfant. Enfin, toutes les demandes, approbations et raisons de dérogations devraient être versées correctement et rapidement aux dossiers de la SAE, accompagnées des plans faits pour respecter la norme à une date ultérieure, et des facteurs de sécurité mis en place pour atténuer tout risque éventuel de préjudice concernant l’enfant.

 
Recommandation 12

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de :

- faire en temps opportun les demandes de dérogations et accorder en temps opportun les approbations de dérogations à la norme, avant le moment où la norme doit être respectée, plutôt que de façon rétroactive;

- justifier toutes les dérogations en fonction de l’intérêt véritable de l’enfant, conformément aux Normes de la protection de l’enfance en Ontario;

- préparer une documentation appropriée, en temps opportun, pour les demandes et les approbations de dérogations, incluant les raisons complètes et claires qui justifient les dérogations en fonction de l’intérêt véritable de l’enfant, les plans pour respecter la norme à une date ultérieure, et les facteurs de sécurité en place pour atténuer tout risque pertinent de préjudice à l’enfant, lors de dérogation à la norme.

 

273    Dans le cas de Brandon, des dérogations à des normes essentielles de la protection de l’enfance ont été régulièrement demandées et accordées. Leur nombre était tel que les importantes protections offertes par les normes étaient presque dénuées de sens. Il incombe à la SAE de mettre en place des mesures de protection supplémentaires pour éviter que cela ne se reproduise à l’avenir.

 
Recommandation 13

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait instaurer une politique exigeant que les superviseur(e)s consultent un(e) directeur(rice) et obtiennent son approbation avant d’accorder une deuxième dérogation consécutive aux exigences d’interviewer un(e) enfant au cours d’une enquête, d’effectuer une visite familiale mensuelle ou de rencontrer un(e) enfant en privé.


 

Séances de supervision

274    La Norme 7 exige que les superviseur(e)s et les travailleur(euse)s examinent les cas de protection de l’enfance qui bénéficient de services continus lors d’une « séance de supervision » au moins une fois toutes les six semaines. Un examen de la documentation concernant le cas de Brandon indique que souvent cette exigence a été largement omise. En fait, d’août 2017 à octobre 2018, à cinq reprises au moins, des séances de supervision ont eu lieu avec au moins deux semaines de retard, et à deux reprises avec plus de neuf semaines de retard.

275    Des séances de supervision plus cohérentes et plus régulières auraient pu être bénéfiques dans le cas de Brandon. Des communications et des discussions régulières de sa situation auraient pu favoriser une meilleure compréhension et une meilleure orientation pour faire face à l’incapacité de la famille à répondre aux besoins de Brandon, et pour élaborer des stratégies visant à surmonter la réticence de Brandon à rencontrer les travailleuses sociales en privé.

276    La SAE devrait souligner aux superviseur(e)s la nécessité de tenir des séances de supervision au moins toutes les six semaines, et exiger une justification écrite de toute dérogation à cette norme.

 
Recommandation 14

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait rappeler aux superviseur(e)s l’importance de respecter la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant l’échéancier des séances de supervision.

 
Recommandation 15

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait exiger que les superviseur(e)s conservent des notes des séances de supervision, incluant les justifications détaillées de tout retard de séances.


 

Décision de ne pas appréhender

277    Quand la possibilité d’appréhender Brandon, pour sa protection, a été soulevée le 22 octobre, la SAE a beaucoup insisté sur l’ordonnance de surveillance existante. Comme un superviseur nous l’a dit, cela signifiait essentiellement que le tribunal tenait déjà la SAE et Frank responsables de la sécurité de Brandon.

278    En fait, les personnes en contact direct avec une famille sont probablement les mieux placées pour évaluer si une situation s’est détériorée à la suite d’une procédure judiciaire. Avant l’affectation d’une nouvelle travailleuse sociale le 1er octobre 2018, une longue période s’était déroulée durant laquelle la SAE n’avait aucunement observé le fonctionnement de la famille. La nouvelle travailleuse sociale a exprimé son grand malaise face à la situation de Brandon, et le 18 octobre, le tribunal a reconnu que les raisons de s’inquiéter étaient croissantes. La travailleuse sociale commençait à peine à explorer toutes les circonstances lorsque les événements du 22 octobre se sont produits.

279    Cette crise familiale empirait depuis plusieurs mois – voire des années. Après le décès de la grand-mère de Brandon, celui-ci a été en proie au chagrin, et les responsabilités d’aidant de Frank ont beaucoup augmenté. Frank a montré une incapacité chronique à faire face aux problèmes de santé physique et mentale de Brandon, et à ses difficultés d'assiduité scolaire. Frank a aussi été clairement dépassé par les tâches à accomplir pour garder l’appartement propre, compte tenu de ses propres problèmes de santé et des infestations successives de punaises de lit.

280    Lors de leur visite au domicile de Brandon le 22 octobre, la travailleuse de la SAE, la directrice de l’école et les policières ont été convaincues qu’il courait un risque immédiat et avait besoin de protection. Vu le long historique de la famille avec la SAE, il est troublant que les personnes qui avaient été témoins de l’état physique de Brandon, de son comportement et de ses conditions de vie ce jour-là n’aient pas été prises plus au sérieux.

281    Suggérer que la coopération de la famille avec la SAE a aussi contribué à la décision de ne pas appréhender Brandon est également inquiétant. Les propres dossiers de la SAE montrent que cette coopération était souvent réticente, au mieux. La demande de supervision indiquait expressément que Frank n’était pas disposé à coopérer volontairement avec la SAE pour répondre aux problèmes identifiés de protection de l'enfance. De plus, Frank avait souvent remis en question la nécessité de l’intervention de la SAE. Quoi qu’il en soit, une coopération n’est guère utile si les besoins mentaux, physiques et éducatifs d’un enfant restent constamment insatisfaits.

282    Étant donné que Brandon reste pris en charge depuis le 22 octobre 2018, il est évident que l’appréhension était la ligne de conduite à suivre par prudence, et qu’elle était justifiée dans les circonstances. Chaque situation doit être examinée en fonction des faits uniques qui l’entourent, et la SAE est en droit d’exiger que les travailleur(euse)s consultent leurs superviseur(e)s au sujet d’une étape si importante. Cependant, la justification de la décision d’appréhender ou non un enfant par souci de sa sécurité devrait toujours être axée sur l’intérêt véritable de l’enfant, à ce moment-là. Les récits des témoins oculaires devraient contribuer comme il se doit à cette détermination.

283    La SAE devrait utiliser le cas de Brandon comme exemple pour encourager les superviseur(e)s à examiner attentivement les opinions des travailleur(euse)s et des autres professionnel(le)s sur le terrain afin d’évaluer les risques immédiats de préjudice ainsi que l’intérêt véritable de l’enfant.

 
Recommandation 16

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait utiliser l’histoire de Brandon comme outil de formation pour le personnel de supervision, afin de renforcer la nécessité de centrer la prestation de ses services sur l’intérêt véritable de l’enfant, et de souligner l’importance d’estimer avec soin les observations directes des travailleur(euse)s de la SAE et des autres professionnel(le)s sur le terrain pour évaluer si un(e) enfant court un danger immédiat.


 

Intérêt véritable de l’enfant par opposition à « faire de son mieux »

284    Le personnel de la SAE, des responsables scolaires et d’autres personnes ont eu tendance à utiliser des expressions comme « ils essayaient de leur mieux » et « ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient » pour décrire les efforts faits par Frank et Cindy afin de répondre aux besoins de Brandon. Bien que la famille ait peut-être fait des efforts sincères, elle avait du mal à faire face et échouait chroniquement à maintenir la propreté et la sécurité du domicile, les habitudes de vie structurées, les soins médicaux et les soutiens psychologiques dont Brandon avait désespérément besoin.

285    Frank est légalement aveugle, a souffert d’une crise cardiaque, et a des antécédents d’abus d’alcool – des données qu’au moins une travailleuse sociale semble avoir négligées lors de son évaluation. Il est devenu seul responsable de la garde de Brandon en septembre 2016. Plusieurs responsables qui ont travaillé au cas de Brandon ont commenté l’affection que Frank avait pour l’enfant, et ses efforts pour répondre à ses besoins. Mais la capacité de Frank à suivre une routine et à garder l’appartement propre et sûr fluctuait. Il avait aussi tendance à manquer des rendez-vous et à ne pas suivre les recommandations médicales.

286    En mars 2016, environ un mois après la fermeture d’une enquête par la SAE sur les soins de Brandon, une infirmière en pédiatrie a signalé que Brandon avait manqué un rendez-vous. Elle a aussi noté que Frank n’avait pas donné suite à la recommandation de la pédiatre préconisant d’envoyer Brandon aux services psychiatriques d’urgence, pas plus que les recommandations du CAMH concernant le counseling. Ce rapport aurait dû déclencher une enquête, d’après la réaction d’un aidant à l’état mental et émotionnel de l’enfant, et à son développement. Mais la travailleuse de la SAE s’est contentée de l’explication de Frank selon laquelle Brandon avait terminé au CAMH et avait de bonnes relations à l’école. La SAE semble avoir minimisé l’allégation au motif que, selon elle, la famille « faisait de son mieux ».

287    Malgré la preuve que Frank avait manqué plusieurs rendez-vous, ne suivait pas les recommandations médicales et n’était pas capable de veiller à ce que Brandon aille régulièrement à l’école, les notes versées aux dossiers de la SAE portent à croire que Frank respectait les conditions de l’ordonnance de surveillance.

288    Brandon avait été enlevé à la garde de Cindy alors qu’il était bébé, et le tribunal avait réaffirmé qu’elle n’avait pas la capacité cognitive d’élever Brandon toute seule. Cependant, elle restait intégralement liée à la vie de Brandon. Après le décès de la grand-mère de Brandon, celui-ci a vécu à plein temps avec Frank, mais Cindy résidait à proximité. Elle était présente à la plupart des visites de la SAE et se rendait régulièrement avec lui aux rendez-vous médicaux et scolaires. La pédiatre de Brandon et les responsables scolaires se sont inquiété(e)s des relations et des interactions entre Brandon et sa mère.

289    Un superviseur de la SAE a reconnu à nos enquêteur(euse)s qu’il croyait à tort que Cindy n’était pas très présente dans la vie de Brandon. Cependant, la travailleuse affectée au cas de la famille lors de l’appréhension de Brandon nous a dit qu’elle était très inquiète du fait que Cindy jouait de toute évidence un rôle de coparentalité pour Brandon.

290    La norme en matière de protection de l’enfance n’est pas de « faire de son mieux », mais l’intérêt véritable de l’enfant. Cette distinction semble avoir été ignorée à certains moments dans le cas de Brandon. D’après nos entrevues avec le personnel de la SAE, un effort conscient semble avoir été fait pour que la SAE évite les préjugés culturels, neurotypiques ou socioéconomiques dans son évaluation des efforts de la famille pour s’occuper de Brandon. Même si cette approche est généralement positive, si le mieux qu’une famille puisse faire – avec des soutiens – ne conduit pas à un environnement sûr, alors ce n’est tout simplement pas assez bon, et une intervention plus intensive peut être justifiée.

291    Un grand nombre de travailleur(euse)s et de superviseur(e)s ont travaillé successivement au cas de Brandon. La séquence de lacunes et d’échecs qui s’est produite – dont beaucoup semblent inexplicables – ne devrait pas être considérée comme une situation singulière ou « unique ». La SAE devrait utiliser l’histoire de Brandon comme un exercice d’apprentissage pour son personnel, et comme un rappel que son travail doit être centré sur l’intérêt véritable de l’enfant.

 
Recommandation 17

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait utiliser l’histoire de Brandon comme outil de formation pour le personnel afin de renforcer la nécessité de garder sa prestation de services centrée sur l’intérêt véritable de l’enfant.


 

Opinion

292    Les enfants sont notre ressource la plus précieuse et la protection de leur bien-être est un service public vital. La province a établi des exigences réglementaires et des normes pour guider les sociétés d’aide à l’enfance dans l’exercice de leurs importantes fonctions. Malheureusement, dans le cas de Brandon, la Société d’aide à l’enfance de Toronto a souvent omis de respecter les Normes de la protection de l’enfance en Ontario, sans justification raisonnable, et sans tenir compte adéquatement de l’intérêt véritable de Brandon. Les exigences réglementaires ont également été parfois ignorées, notamment lors des évaluations de sécurité.

293    Les services de la SAE, et sa réponse aux préoccupations concernant le bien-être de Brandon, ont été entachés par une série de retards dans les enquêtes, les évaluations de sécurité, les visites, les séances de surveillance et les plans de services. De nombreuses normes ont été ignorées, y compris l’obligation d’effectuer des entrevues en privé pendant les enquêtes et d’élaborer des plans concrets de services. De plus, le personnel de la SAE a eu excessivement recours à des dérogations aux normes. Les raisons invoquées pour justifier ces dérogations relevaient généralement de convenances personnelles plutôt que de l’intérêt véritable de Brandon. L'échec le plus important de la SAE est sans doute la quasi-absence d’entrevues en privé avec Brandon, si bien que sa voix n’a pas été entendue, n’a pas été écoutée.

294    La réponse de la SAE aux problèmes de protection de l'enfance soulevés dans le cas de Brandon a souvent été inopportune et inadéquate. Plutôt que d’être caractérisées par la diligence requise, ses mesures ont été caractérisées par des retards et des lacunes. L’intervention en octobre 2018 a sans doute permis d'éviter un scénario plus tragique – or elle a résulté d'une décision du Service de police de Toronto, et non de la SAE.  

295    Par conséquent, je suis d’avis que la conduite de la Société d’aide à l’enfance de Toronto envers Brandon et sa famille était contraire à la loi, déraisonnable et erronée en vertu des alinéas 21 (1) a), b) et d) de la Loi sur l’ombudsman.

296    J’ai formulé des recommandations visant à améliorer le respect des exigences réglementaires et des Normes de la protection de l’enfance en Ontario par la SAE, et à rehausser ses services de protection de l’enfance. Je ferai un suivi de la réponse de la SAE pour m’assurer qu’elle prend des mesures afin de régler les problèmes exposés dans le présent rapport.

 
Recommandation 18

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait rendre compte à mon Bureau, dans six mois, des progrès qu’elle a accomplis dans la mise en œuvre de mes recommandations, et ensuite tous les six mois jusqu’à ce que je sois convaincu que des mesures adéquates ont été prises pour y donner suite.


 

Recommandations

Recommandation 1

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de respecter les exigences réglementaires, des Normes 1, 3 et 5 de la protection de l’enfance en Ontario, et de sa propre politique concernant l’ouverture et l’achèvement des enquêtes et des évaluations de sécurité en temps opportun.

 
Recommandation 2

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de se conformer à la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant l’évaluation des signalements reçus durant la gestion des cas en cours.

 
Recommandation 3

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre au personnel de se conformer à la Norme 2 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant les entrevues en privé des membres de la famille.

 
Recommandation 4

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel d’envisager d’interviewer les membres de la famille, et surtout les enfants, hors du domicile si cela permet de préserver la confidentialité et d’encourager une communication plus ouverte.

 
Recommandation 5

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre au personnel de se conformer à la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario, exigeant que les travailleur(euse)s rencontrent les enfants en privé, et promouvoir l’adoption de stratégies et d’approches alternatives pour encourager les enfants à communiquer avec les travailleur(euse)s en privé.

 
Recommandation 6

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait former son personnel à des méthodes et des stratégies d’entrevues avec les enfants qui favorisent la coopération et réduisent la résistance.

 
Recommandation 7

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre au personnel de planifier et d’élaborer des stratégies pour les situations où un(e) enfant a des réticences à participer à une entrevue durant une enquête, et documenter en détail ses tentatives pour rencontrer les enfants en privé, ainsi que les stratégies employées.

 
Recommandation 8

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait s’assurer que, durant les procédures qui sont en cours en matière de protection de l’enfance, les tribunaux sont informés de l’absence de visites en privé avec un(e) enfant, en incluant les raisons de cette omission.

 
Recommandation 9

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de se conformer à la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant le calendrier, l’achèvement, l’examen et la révision des plans de services, ainsi qu’aux obligations d’inclure des buts, objectifs et activités spécifiques, avec référence aux personnes responsables et aux délais d’exécution.

 
Recommandation 10

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre spécifiquement aux superviseur(e)s d’examiner les plans de services pour s’assurer qu’ils sont complets et conformes aux exigences de la Norme 7.

 
Recommandation 11

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de se conformer aux Normes 6 et 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario en effectuant en temps voulu des visites mensuelles et des visites de transfert avec les familles.

 
Recommandation 12

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait enjoindre à son personnel de :

- faire en temps opportun les demandes de dérogations et accorder en temps opportun les approbations de dérogations à la norme, avant le moment où la norme doit être respectée, plutôt que de façon rétroactive;

- justifier toutes les dérogations en fonction de l’intérêt véritable de l’enfant, conformément aux Normes de la protection de l’enfance en Ontario;

- préparer une documentation appropriée, en temps opportun, pour les demandes et les approbations de dérogations, incluant les raisons complètes et claires qui justifient les dérogations en fonction de l’intérêt véritable de l’enfant, les plans pour respecter la norme à une date ultérieure, et les facteurs de sécurité en place pour atténuer tout risque pertinent de préjudice à l’enfant, lors de dérogation à la norme.

 
Recommandation 13

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait instaurer une politique exigeant que les superviseur(e)s consultent un(e) directeur(rice) et obtiennent son approbation avant d’accorder une deuxième dérogation consécutive aux exigences d’interviewer un(e) enfant au cours d’une enquête, d’effectuer une visite familiale mensuelle ou de rencontrer un(e) enfant en privé.

 
Recommandation 14

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait rappeler aux superviseur(e)s l’importance de respecter la Norme 7 des Normes de la protection de l’enfance en Ontario concernant l’échéancier des séances de supervision.

 
Recommandation 15

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait exiger que les superviseur(e)s conservent des notes des séances de supervision, incluant les justifications détaillées de tout retard de séances.

 
Recommandation 16

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait utiliser l’histoire de Brandon comme outil de formation pour le personnel de supervision, afin de renforcer la nécessité de centrer la prestation de ses services sur l’intérêt véritable de l’enfant, et de souligner l’importance d’estimer avec soin les observations directes des travailleur(euse)s de la SAE et des autres professionnel(le)s sur le terrain pour évaluer si un(e) enfant court un danger immédiat.

 
Recommandation 17

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait utiliser l’histoire de Brandon comme outil de formation pour le personnel afin de renforcer la nécessité de garder sa prestation de services centrée sur l’intérêt véritable de l’enfant.

 
Recommandation 18

La Société d’aide à l’enfance de Toronto devrait rendre compte à mon Bureau, dans six mois, des progrès qu’elle a accomplis dans la mise en œuvre de mes recommandations, et ensuite tous les six mois jusqu’à ce que je sois convaincu que des mesures adéquates ont été prises pour y donner suite.


 

Réponse

297    La Société d’aide à l’enfance de Toronto a eu l’occasion d’examiner mes conclusions préliminaires, mon opinion et mes recommandations, et d’y donner réponse. Tous les commentaires que nous avons reçus ont été pris en compte dans la préparation de mon rapport final.

298    La SAE a accepté toutes mes recommandations, et je salue sa réponse exemplaire, tant sur le fond que sur la forme. Elle a fourni un tableau (en anglais seulement) détaillant les mesures qu’elle compte prendre pour donner réponse à chacune de mes 18 recommandations, et ce tableau est joint au présent rapport.

299    Je suis encouragé par les plans faits par la SAE pour mettre en œuvre mes recommandations, et je suivrai ses progrès en ce sens.


____________________
Paul Dubé
Ombudsman de l'Ontario




[1] Les noms de l’enfant et des membres de sa famille ont été anonymisés dans ce rapport pour des raisons de confidentialité.
[2] Loi sur l’Ombudsman, L.R.O. 1990, chap. O.6, par. 14 (1.1).
[3] Les nouveaux règlements ont été pris en application de la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille quand elle est entrée en vigueur. Dans ce rapport, les dispositions pertinentes des anciens règlements et des règlements actuels sont citées en notes de bas de page correspondantes.
[4] Les Normes de la protection de l’enfance en Ontario les plus récentes ont été publiées le 11 juin 2016, et couvrent la plus grande partie de la période étudiée dans le cadre de cette enquête. Ce rapport fait référence aux plus récentes normes, car elles ne diffèrent sur aucun point important des anciennes normes en ce qui concerne les problèmes cernés dans ce rapport : Ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse, « Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletNormes de la protection de l’enfance en Ontario » (Mise à jour : 22 février 2022) [Normes de la protection de l’enfance en Ontario], en ligne.
[5] Normes de supervision : Ibid. à 114.
[6] Normes de la protection de l’enfance en Ontario, supra note 4 à 24.
[7] Ibid. à 37.
[8] Règl. de l’Ont. 206/00, art.3; Règl. de l’Ont.156/18, art. 31.
[9] Normes de la protection de l’enfance en Ontario, supra note 4 à 48.
[10] Règl. de l’Ont. 206/00, art. 3; Règl. de l’Ont.156/18, art. 31.
[11] Normes de la protection de l’enfance en Ontario, supra note 4 à 56.
[12] Normes de la protection de l’enfance en Ontario, supra note 4 à 62.
[13] Ibid. à 72.
[14] Ibid. à 80.
[15] Règl. de l’Ont. 206/00, par. 4 (3); Règl. de l’Ont. 156/18, par. 32 (3).
[16] Règl. de l’Ont. 206/00, art. 3; Règl. de l’Ont. 156/18, art. 31.
[17] Normes de la protection de l’enfance en Ontario, supra note 4 à 48.
[18] Ibid. à 63.
[19] Normes de la protection de l’enfance en Ontario (2016), supra note 4 à 16.
[20] Ibid. à 118.

 

Annexe

Réponse de la Société d’aide à l’enfance de Toronto (en anglais)

CHILDREN’S AID SOCIETY OF TORONTO Response to Recommendations Arising from Brandon’s Story

Recommendations Work that has been completed Actions/next steps planned
1. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to comply with regulatory requirements, Standards 1, 3 and 5 of the Ontario Child Protection Standards, and its own policy regarding timely commencement and completion of investigations and safety assessments. The Toronto Society launched a Quality Improvement Plan (QIP) dashboard in May 2021 to track compliance across several key indicators in real time and maintain historical compliance reports to be used for accountability tracking and performance management purposes. This dashboard is accessible to workers, supervisors, and directors/executive team. It is an expectation that staff and supervisors view the dashboard on a regular/ongoing basis and that directors maintain oversight for their respective departments. Directors follow up with supervisors on a case-by-case basis when areas of non-compliance are noted.

Prior to the launch of the dashboard (between March 2019-May 2021), supervisors were provided with quarterly compliance reports to assist them in tracking their staff’s compliance across key indicators/Standards.

Compliance across standards/QIP indicators has been set as a performance expectation for all protection workers and supervisors and is included in their performance appraisals.

The Executive Team reports quarterly to the Toronto Society’s Board of Directors on QIP outcomes.  QIP performance is reviewed regularly at the Quality and Outcomes Sub Committee of the Board.

In addition to the dashboard, Directors receive quarterly compliance reports for their respective departments and follow-up with supervisors regarding any areas of concern.  

New supervisor orientation sessions have been developed and launched in June 2022. The Intake/Investigation module cover Standard #5 in detail.  

In January 2017, the Ontario Association of Children’s Aid Societies (OACAS) launched the Child Welfare Pathways to Authorization Series. In the Child Welfare Pathways to Authorization Field Guide, it states “For staff re-entering the field after some absence: Any absence from the field of greater than 5 years will require Refresher courses. A Prior Learning Assessment will be used to determine areas where the staff member may be exempt from Refresher training (this includes existing staff who are exempt in 2017).”

The Toronto Society adheres to this directive, and also expects supervisors to assess the worker’s ability to perform their job as it relates to their role, offering additional training, if necessary.

The Toronto Society has also implemented a practice whereby any child protection worker who is away from service for more than two years will complete the Society’s Clinical Framework and Equity training upon their return to practice.
The Toronto Society launched an online policy platform (Navex) in 2021. All policies that contain information pertaining to Standards 1, 3 and 5 will be reviewed to ensure they are current in the online system (begin September 2022).  

A plan and timeline will be developed to send the Standards/policies to staff/supervisors with an expectation that they review and confirm that they have been reviewed. The plan will be to send one Standard per month, beginning in January 2023.  

In addition to reviewing Standards/policies online, it will be an expectation that supervisors review Standards at team meetings, (one per month, beginning in January 2023), as demonstrated through the item being on their team meeting agenda and reflected in minutes which are posted and accessible to branch directors.

To ensure that staff and supervisors understand the Standards, the associated practice notes, and what is expected of them, subject matter experts will be engaged to develop questions and discussion prompts to be used at team meetings in conjunction with the review of the Standard.

The Toronto Society is launching Peer Learning Sessions for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The role of the supervisor in overseeing/managing compliance with Standards will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.

The Toronto Society will continue to pull compliance statistics on a quarterly basis to demonstrate progress and outcomes. Reports are provided to Directors for follow-up with supervisors.

The Ombudsman report will be discussed at an upcoming Service Directors meeting (fall 2022) so that Directors are aware that a case review was conducted and know the key findings/recommendations.  

A review of current historical compliance data will be conducted to assess progress over time.
2. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to comply with Standard 7 of the Ontario Child Protection Standards regarding assessment of referrals received during ongoing case management. The Toronto Society adheres to the OACAS’s regulation whereby staff who are entering/returning to protection roles after a period of absence (5 years or longer) are required to complete new worker authorization or refresher training so that they are well-equipped to manage protection cases and their knowledge of Standards is current.

The Toronto Society adheres to this directive, and also expects supervisors to assess the worker’s ability to perform their job as it relates to their role, offering additional training, if necessary.

In situations where a referral received during ongoing service results in a new investigation, service teams utilize the tools referenced below to assist in the management and tracking of compliance with investigation Standards.

The Toronto Society launched a Quality Improvement Plan (QIP) dashboard in May 2021 to track compliance across several key indicators in real time and maintain historical compliance reports to be used for accountability tracking and performance management purposes. This dashboard is accessible to workers, supervisors, and directors/executive team. It is an expectation that staff and supervisors view the dashboard on a regular/ongoing basis and that directors maintain oversight for their respective departments. Directors follow up with supervisors on a case-by-case basis when areas of non-compliance are noted.

Prior to the launch of the dashboard (between March 2019-May 2021), supervisors were provided with quarterly compliance reports to assist them in tracking their staff’s compliance across key indicators/Standards.

Compliance across standards/QIP indicators has been set as a performance expectation for all protection workers and supervisors and is included in their performance appraisals.

The Executive Team reports quarterly to the Toronto Society’s Board of Directors on QIP outcomes. QIP performance is reviewed regularly at the Quality and Outcomes Sub Committee of the Board.

In addition to the dashboard, Directors receive quarterly compliance reports for their respective departments and follow-up with supervisors regarding any areas of concern.
The Toronto Society launched an online policy platform (Navex) in 2021. All policies that contain information pertaining to Standard 7 will be reviewed to ensure they are current in the online system (begin September 2022).  

A plan and timeline will be developed to send the Standards/policies to staff/supervisors with an expectation that they review and confirm that they have reviewed. The plan will be to send one Standard per month, beginning in January 2023.  

In addition to reviewing Standards/policies online, it will be an expectation that supervisors review Standards at team meetings, (one per month, beginning in January 2023), as demonstrated through the item being on their team meeting agenda and reflected in minutes which are posted and accessible to branch directors.  

To ensure that staff and supervisors understand the Standard, the associated practice notes, and what is expected of them, subject matter experts will be engaged to develop questions and discussion prompts to be used at team meetings in conjunction with the review of the Standard.

The Toronto Society is launching Peer Learning Groups for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The role of the supervisor in overseeing/managing compliance with Standards will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.

The Toronto Society will continue to pull compliance statistics on a quarterly basis to demonstrate progress and outcomes. Reports are provided to Directors for follow-up with supervisors.
3. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to comply with Standard 2 of the Ontario Child Protection Standards regarding interviewing family members in private. New supervisor orientation sessions have been developed and were launched in June 2022. The Intake/Investigation module covers Standard #2 in detail.  

The Toronto Society adheres to the OACAS’s regulation whereby staff who are entering/returning to protection roles after a period of absence (5 years or longer) are required to complete new worker authorization or refresher training so that they are well-equipped to manage protection cases and their knowledge of Standards is current.

The Toronto Society adheres to this directive, and also expects supervisors to assess the worker’s ability to perform their job as it relates to their role, offering additional training, if necessary.
The Toronto Society launched an online policy platform (Navex) in 2021. All policies containing information pertaining to Standard 2 will be reviewed to ensure they are current in the online system (begin September 2022).  

A plan and timeline will be developed to send the Standards/policies to staff/supervisors with an expectation that they review and confirm that they have reviewed. The plan will be to send one Standard per month, beginning in January 2023.  

In addition to reviewing Standards/policies online, it will be an expectation that supervisors review Standards at team meetings, (one per month, beginning in January 2023), as demonstrated through the item being on their team meeting agenda and reflected in minutes which are posted and accessible to branch directors.  

To ensure that staff and supervisors understand the Standard, the associated practice notes, and what is expected of them, subject matter experts will be engaged to develop questions and discussion prompts to be used at team meetings in conjunction with the review of the Standard.

The Toronto Society is launching Peer Learning Groups for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The role of the supervisor in overseeing/managing compliance with Standards will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.

During investigations, workers will include strategies/considerations for how they plan to engage the child(ren) using a trauma-informed lens in their investigation plan contact log. At ongoing services, considerations will be documented in a supervision contact log. This practice will be discussed with teams in conjunction with their review of the investigation Standards.
4. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to consider interviewing family members, particularly children, in settings outside the home if it would allow for privacy and encourage more open communication. Child-Centered Practice training is being developed/launched. This training will be mandatory for all service staff and supervisors and will focus on centering the child’s voice and Katelynn’s Principle. Consideration of interviewing family members, particularly children, in settings outside of the home will be discussed as part of the six-week case review (for ongoing cases) and during supervisor consultations (for investigation cases). Considerations discussed and rationale for decisions will be documented in a supervision contact log. This practice will be discussed with teams in conjunction with their review of investigation and ongoing service Standards.

The case worker and supervisor will make appropriate decisions to ensure adequate privacy for children/youth during the interview process. This should be done in consideration of the age of the children, nature of the allegations, and availability of private space to conduct the interview.

In situations where the service team believes it would be beneficial to interview a child in an out of home setting, but barriers exist (for example, parental consent), the team will consider utilizing anti-Black Racism or Indigenous consultations, case conferencing, and Signs of Safety mappings to develop strategies to reduce these barriers. Consideration of these strategies will be clearly documented in contact logs in the ongoing or investigation case.

The Toronto Society launched an online policy platform (Navex) in 2021. Policies pertaining to the expectation that all family members are interviewed, and all children interviewed/seen during ongoing service, will be reviewed to ensure they are current in the online system (begin September 2022).  

A plan and timeline will be developed to send the Standards/policies to staff/supervisors with an expectation that they review and confirm that they have reviewed. The plan will be to send one Standard per month, beginning in January 2023.  

In addition to reviewing Standards/policies online, it will be an expectation that supervisors review Standards at team meetings, (one per month, beginning in January 2023), as demonstrated through the item being on their team meeting agenda and reflected in minutes which are posted and accessible to branch directors.
 
To ensure that staff and supervisors understand the Standard, the associated practice notes, and what is expected of them, subject matter experts will be engaged to develop questions and discussion prompts to be used at team meetings in conjunction with the review of the Standard.

The Toronto Society is launching Peer Learning Groups for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The role of the supervisor in overseeing/managing compliance with Standards will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.
5. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to comply with Standard 7 of the Ontario Child Protection Standards, requiring workers to meet with children in private and promote adoption of strategies and alternative approaches to encourage children to communicate with workers in private. Child-Centered Practice training is being developed/launched. This training will be mandatory for all service staff and supervisors and will focus on centering the child’s voice and Katelynn’s Principle. The Toronto Society launched an online policy platform (Navex) in 2021. All policies that contain information pertaining to Standard 7 will be reviewed to ensure they are current in the online system (begin September 2022).  

A plan and timeline will be developed to send the Standards/policies to staff/supervisors with an expectation that they review and confirm that they have reviewed. Plan will be to send one Standard per month, beginning in January 2023.

In addition to reviewing Standards/policies online, it will be an expectation that supervisors review policies at team meetings, (one per month beginning in January 2023), as demonstrated through the item being on their team meeting agenda and reflected in minutes which are posted and accessible to branch directors.  

To ensure that staff and supervisors understand the Standard, the associated practice notes, and what is expected of them, subject matter experts will be engaged to develop questions and discussion prompts to be used at team meetings in conjunction with the review of the Standard.

The Toronto Society is launching Peer Learning Groups for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The role of the supervisor in overseeing/managing compliance with Standards will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.

Consultation with the Information Management team will take place (September-December 2022) to develop a strategy for accessing data re: private interviews with children/youth during investigation and ongoing services as an added level of transparency and accountability measure.
6. The Children’s Aid Society of Toronto should train staff in methods and strategies for interviewing children that encourage co-operation and reduce resistance. Child-Centered Practice training is being developed/launched. This training will be mandatory for all service staff and supervisors and will focus on centering the child’s voice and Katelynn’s Principle.

New protection workers and workers returning to/entering protection roles after a period of absence (5 or more years) are required to attend Child Welfare Worker Authorization or refresher training. Strategies for interviewing children is covered in this training.
During investigations, workers will include strategies/considerations for how they plan to engage the child(ren), using a trauma-informed lens, in their investigation plan contact log. At ongoing services, considerations will be documented in a supervision contact log. This practice will be discussed with teams in conjunction with their review of the investigation Standards.  

Where barriers exist, workers shall seek guidance/consultation from a supervisor or others (e.g. ABR or Indigenous Practice Lead) with the goal of developing strategies to engage the child/youth, and document these strategies in a contact log. Consultations should not be used to seek reinforcement for the rationale to not interview children and departures from interviews with children/youth should only be used in exceptional circumstances, grounded in clear clinical rationale.
7. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to plan and strategize for situations when a child is reluctant to participate in an interview during an investigation, and document in detail their attempts to meet privately with children and the strategies employed.
Child-Centered Practice training is being developed/launched. This training will be mandatory for all service staff and supervisors and will focus on centering the child’s voice and Katelynn’s Principle.

The Toronto Society launched trauma-informed practice training in September 2021. This training is mandatory for all service staff and supervisors. Training includes the following learning objectives:
  1. Explain and identify types of trauma
  2. Create linkage to Signs of Safety in Trauma Informed Practice and engage clients with holistic conversations
  3. Demonstrate knowledge and skills in serving clients who have experienced trauma using a Trauma Informed Practice approach
  4. Develop competencies in cultural safety and cultural humility
As of August 22, 2022, 69% of service staff and 68% of service supervisors have completed the training.
During investigations, workers will include strategies/considerations for how they plan to engage the child(ren), using a trauma-informed lens, in their investigation plan contact log. At ongoing services, considerations will be documented in a supervision contact log. This practice will be discussed with teams in conjunction with their review of the investigation Standards.

Contact logs will clearly identify attempts to meet with children privately, strategies that were employed, and future strategies that will be explored if private interviews are unsuccessful.

Where barriers exist, workers shall seek guidance/consultation from a supervisor or others (e.g. Anti-Black Racism lead or Indigenous Practice Lead) with the goal of developing strategies to engage the child/youth using a trauma-informed lens and document these strategies in a contact log.
8. The Children’s Aid Society of Toronto should ensure that, during ongoing child protection proceedings, the courts are informed if private visits with a child have not taken place and the reasons for this omission.  The Toronto Society established a Legal/Services Committee in 2020 that looks at issues that involve the intersection of legal and clinical service. One of the items the group is examining is the use of early and ongoing case consultations between service staff and legal to identify areas of worry and develop strategies to address in a proactive way. Case-by-case consultations will need to take place between workers and supervisors to determine at what point an absence of private visits or other Standards that are not being met poses a worry that would prompt the service team to raise this with their lawyer.    

A plan will be developed to inform service staff of the expectation that they inform legal counsel if private visits have not taken place on a case that is before the court, and/or if other Standards have not been met that impact child safety, and the reasons for this.  

The Toronto Society legal team will discuss this item at an upcoming all-counsel meeting (September-October 2022) to come up with a plan for how they will convey this information to the court.
9. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to comply with Standard 7 of the Ontario Child Protection Standards regarding the timing, completion, review and revision of service plans, as well as requirements for including specific goals, objectives and activities, references to those responsible and timeframes for completion. The Toronto Society launched a Director-led “cohort review analysis” process in July 2022. This process involves directors doing a deep dive into cases to review a specific aspect of service.  

Compliance/timely completion of service plans is incorporated as an objective in service staff and supervisor performance appraisals. Supervisors and/or Directors will follow-up with a performance management plan as needed.
A clinical learning session will be developed and presented to service staff and supervisors that focuses on the development of service plans. This expectation falls on both the worker who is developing the plan in collaboration with the family and the supervisor who is approving it.  

The learning session will focus on creating objectives/activities using Specific, Measurable, Achievable, Relevant and Time-Bound (SMART) principles, centering the voice of the child and the family’s identity, updating activities as they are completed in accordance with the family’s progress and adding to the plan as new areas of need emerge (to occur at a minimum, when the Service Plan is due or at the point of a new investigation/verification of new concerns). Methods for engaging the family in the planning process and providing them with details of the plan will also be discussed to promote greater transparency and accountability. Target date for the learning session is Spring 2023.

There is still work to be done in the timely completion of service plans as per Standard 7. This will be monitored using the QIP dashboard and will be included in quarterly reporting for director oversight and follow-up.

Consideration will be given to adding this item to the Director cohort review analysis in 2023.

A review of current historical compliance data will be conducted to assess progress over time.
10. The Children’s Aid Society of Toronto should specifically direct supervisors to review service plans to ensure that they are complete and consistent with the requirements of Standard 7.  The Toronto Society launched a Director-led “cohort review analysis” process in July 2022. This process involves directors doing a deep dive into cases to review a specific aspect of service.  

Compliance/timely completion of service plans is incorporated as an objective in service staff and supervisor performance appraisals. Supervisors and/or Directors will follow-up with a performance management plan as needed.
A clinical learning session will be developed and presented to service staff and supervisors that focuses on the development of service plans. This expectation falls on both the worker who is developing the plan in collaboration with the family and the supervisor who is approving it.

The learning session will focus on creating objectives/activities using Specific, Measurable, Achievable, Relevant and Time-Bound (SMART) principles, centering the voice of the child and the family’s identity, updating activities as they are completed in accordance with the family’s progress and adding to the plan as new areas of need emerge (to occur at a minimum, when the Service Plan is due or at the point of a new investigation/verification of new concerns). Methods for engaging the family in the planning process and providing them with details of the plan will also be discussed to promote greater transparency and accountability. Target date for the learning session is Spring 2023.

There is still work to be done in the timely completion of service plans as per Standard 7. This will be monitored using the QIP dashboard and will be included in quarterly reporting for director oversight and follow-up.

Consideration will be given to adding this item to the Director cohort review analysis in 2023.

A review of current historical compliance data will be conducted to assess progress over time.
11. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to comply with Standards 6 and 7 of the Ontario Child Protection Standards in conducting timely monthly and transfer visits with families. There is currently a Director group that is working on developing practice guidelines for transfer visits. Timeline for this work to be complete is December 2022.

The Toronto Society launched a Quality Improvement Plan (QIP) dashboard in May 2021 to track compliance across several key indicators, (including monthly visits), in real time and maintain historical compliance reports to be used for accountability tracking and performance management purposes. This dashboard is accessible to workers, supervisors, and directors/executive team. It is an expectation that staff and supervisors view the dashboard on a regular/ongoing basis and that directors maintain oversight for their respective departments. Directors follow up with supervisors on a case-by-case basis when areas of non-compliance are noted.

Prior to the launch of the dashboard (between March 2019-May 2021), supervisors were provided with quarterly compliance reports to assist them in tracking their staff’s compliance across key indicators/Standards.

Compliance across standards/QIP indicators has been set as a performance expectation for all protection workers and supervisors and is included in their performance appraisals.

The Executive Team reports quarterly to the Toronto Society’s Board of Directors on QIP outcomes. QIP performance is reviewed regularly at the Quality and Outcomes Sub Committee of the Board.

In addition to the dashboard, Directors receive quarterly compliance reports for their respective departments and follow-up with supervisors regarding any areas of concern.
The Toronto Society launched an online policy platform (Navex) in 2021. All policies that contain information pertaining to Standards 6 & 7 will be reviewed to ensure they are current in the online system (begin September 2022).  

A plan and timeline will be developed to send the Standards/policies to staff/supervisors with an expectation that they review and confirm that they have reviewed. Plan will be to send one Standard per month, beginning in January 2023.

In addition to reviewing Standards/policies online, it will be an expectation that supervisors review policies at team meetings (one per month, beginning January 2023), as demonstrated through the item being on their team meeting agenda and reflected in minutes which are posted and accessible to branch directors.  

To ensure that staff and supervisors understand the Standard, the associated practice notes, and what is expected of them, subject matter experts will be engaged to develop questions and discussion prompts to be used at team meetings in conjunction with the review of the Standard.

The Toronto Society is launching Peer Learning Groups for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The role of the supervisor in overseeing/managing compliance with Standards will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.

The Toronto Society will continue to pull compliance statistics on a quarterly basis to demonstrate progress and outcomes. Reports are provided to Directors for follow-up with supervisors.

Consultation with the Information Management team will take place (September-December 2022) to determine what enhancements can be made to the dashboard and/or what reports can be accessed to track compliance re: timely completion of transfer visits.  

A review of current historical compliance data will be conducted to assess progress over time.
12. The Children’s Aid Society of Toronto should direct staff to:
  • Make timely requests for and grant timely approvals of departures from standards prior to the time the standard must be met, rather than retroactively;
  • Justify all departures based on the best interests of the child, in accordance with the Ontario Child Protection Standards; and
  • Prepare proper and timely documentation of departure requests and approvals, including fulsome and clear reasons justifying departures based on the best interests of the child, plans for meeting the standard at a later date, and identification of the safety factors in place to mitigate any relevant risks of harm to the child when departing from the standard.
  The Standard for Approved Departures will be reviewed with service supervisors during a management meeting to take place in the fall of 2022.  

Consultation with the Information Management team will take place (September-December 2022) to determine what enhancements can be made to the dashboard and/or what reports can be accessed to better track departures and incorporate these statistics into quarterly reporting.  

A clinical learning session will be developed for service staff and supervisors to review the Standard pertaining to Approved Departures. The session will cover timing of departures, what constitutes a clinical departure, and what needs to be covered in an Approved Departure contact log (clinical reason based on best interests of the child, plan to meet the Standard at a later date, identification of safety factors in place to mitigate any risk or harm to the child). Target date for this session is Spring 2023.
13. The Children’s Aid Society of Toronto should implement a policy requiring supervisors to consult with and obtain approval from a director before a second consecutive departure is granted from the requirements to interview a child during an investigation, conduct a monthly family visit, or meet with a child in private.   Consultation with the Information Management team will take place (September-December 2022) to determine what enhancements can be made to the QIP dashboard to more accurately track departures, including the frequency and types.  

Consultation with the Information Management team will take place (September-December 2022) to determine what systems can be developed to identify: children who have not been seen for more than 30 days, in-home monthly visits that have not occurred for more than 30 days, and children who were not interviewed privately during an investigation for reporting and follow-up by Directors.  

Consultation with Service Directors will be sought to discuss what role they can play to increase oversight and accountability with their supervisors in their approval of Departures.
14. The Children’s Aid Society for Toronto should remind supervisors of the importance of complying with Standard 7 of the Ontario Child Protection Standards regarding the timing of supervision sessions. The Toronto Society launched a Quality Improvement Plan (QIP) dashboard in May 2021 to track compliance across several key indicators, (including six-week supervision reviews), in real time and maintain historical compliance reports to be used for accountability tracking and performance management purposes. This dashboard is accessible to workers, supervisors, and directors/executive team. It is an expectation that staff and supervisors view the dashboard on a regular/ongoing basis and that directors maintain oversight for their respective departments. Directors follow up with supervisors on a case-by-case basis when areas of non-compliance are noted.

Prior to the launch of the dashboard (between March 2019-May 2021), supervisors were provided with quarterly compliance reports to assist them in tracking their staff’s compliance across key indicators/Standards.

Compliance across standards/QIP indicators has been set as a performance expectation for all protection workers and supervisors and is included in their performance appraisals.

The Executive Team reports quarterly to the Toronto Society’s Board of Directors on QIP outcomes. QIP performance is reviewed regularly at the Quality and Outcomes Sub Committee of the Board.
The Toronto Society launched an online policy platform (Navex) in 2021. All policies that contain information pertaining to the timing of Supervision requirements will be reviewed to ensure they are current in the online system (begin September 2022).  

A plan and timeline will be developed to send the Standards/policies to staff/supervisors with an expectation that they review and confirm that they have reviewed. Plan will be to send one Standard per month, beginning in January 2023.  

In addition to reviewing Standards/policies online, it will be an expectation that supervisors review policies at team meetings, (one per month, beginning in January 2023), as demonstrated through the item being on their team meeting agenda and reflected in minutes which are posted and accessible to branch directors.  

To ensure that staff and supervisors understand the Standard, the associated practice notes, and what is expected of them, subject matter experts will be engaged to develop questions and discussion prompts to be used at team meetings in conjunction with the review of the Standard.

The Toronto Society is launching Peer Learning Groups for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The role of the supervisor in overseeing/managing compliance with Standards will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.

The Toronto Society will continue to pull compliance statistics on a quarterly basis to demonstrate progress and outcomes. Reports are provided to Directors for follow-up with supervisors.

A review of current historical compliance data will be conducted to assess progress over time.
15. The Children’s Aid Society of Toronto should require supervisors to keep case notes of supervision sessions, including detailed justifications for any delayed sessions. Supervisory contact logs are recorded in CPIN and are tracked on the QIP dashboard to monitor compliance regarding the 6-week supervision review requirement.

Compliance outcomes for 6-week supervisor case reviews are included in quarterly reports that are sent to Directors for their oversight and follow-up. While the rationale for not meeting the 6- week supervision requirement is not documented as part of the client record; these conversations take place between supervisors and directors when compliance is an issue.

This Standard is integrated into staff and supervisor performance appraisals.
Staff, supervisors and directors will continue to review the QIP dashboard regarding the 6-week supervision requirement to ensure that reviews are occurring as per Standard.

Director oversight and follow-up will occur when the supervision Standard is not being met.

Performance management processes will be put into place in situations where the Standard is not being met.

The Toronto Society is launching Peer Learning Groups for new supervisors (supervisors promoted January 2020 or later). The importance of the 6- week supervisor case review and other critical decision points will be integrated into the content that is discussed during these groups. Peer learning sessions will be launched in October 2022 and run once monthly for a period of nine months then repeat as new supervisors are hired.
16. The Children’s Aid Society of Toronto should use Brandon’s story as a training tool for supervisory staff, to reinforce the need to keep the best interests of the child central to its service provision, as well as the importance of carefully weighing the direct observations of CAS workers and other professionals in the field when assessing whether a child is at immediate risk of harm. Child-Centered Practice training is being developed/launched. This training will be mandatory for all service staff and supervisors and will focus on centering the child’s voice and Katelynn’s Principle. Information from this case will be used as a training tool in a variety of spaces, including existing and new training and service staff and supervisor meetings. All service staff meetings are being launched in September 2022 and will be held on a quarterly basis. Service supervisor meetings are held twice per month.

Examples from this case will be integrated into the upcoming clinical learning session that will be focused on approved departures (target date December 2022).

The Ombudsman report will be discussed at an upcoming Service Directors meeting so that Directors are aware that a case review was conducted and know the key findings/recommendations.
17. The Children’s Aid Society of Toronto should use Brandon’s story as a training tool for staff to reinforce the need to keep the best interests of the child central to its service provision. Child-Centered Practice training is being developed/launched. This training will be mandatory for all service staff and supervisors and will focus on centering the child’s voice and Katelynn’s Principle. Information from this case will be used as a training tool in a variety of spaces, including existing and new training and service staff and supervisor meetings. All service staff meetings are being launched in September 2022 and will be held on a quarterly basis. Service supervisor meetings are held twice per month.

Examples from this case will be integrated into the upcoming clinical learning session that will be focused on approved departures (target date December 2022).

The Ombudsman report will be discussed at an upcoming Service Directors meeting so that Directors are aware that a case review was conducted and know the key findings/recommendations.
18. The Children’s Aid Society of Toronto should report back to my Office in six months’ time on its progress in implementing my recommendations, and at six-month intervals thereafter until such time as I am satisfied that adequate steps have been taken to address them.   A tracking form will be developed to track progress/outcomes for the 17 stated recommendations. Target date for the first report back to the Ombudsman office is February 28, 2023.